Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/322

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Raoul fit trois pas pour sortir.

— Monsieur, dit-il, j’ai pensé à une chose, c’est que c’est à Mme la duchesse de Chevreuse, si bonne pour moi, que j’ai dû mon introduction près de M. le Prince. — Et que vous lui devez un remerciement, n’est-ce pas, Raoul ? — Mais il me semble, monsieur ; cependant c’est à vous de décider. — Passez par l’hôtel de Luynes, Raoul, et faites demander si madame la duchesse peut vous recevoir. Je vois avec plaisir que vous n’oubliez pas les convenances. Vous prendrez Grimaud et Olivain. — Tous deux, monsieur ? demanda Raoul avec étonnement. — Tous deux.

Raoul salua et sortit… En lui regardant fermer la porte et en l’écoutant appeler de sa voix joyeuse et vibrante Grimaud et Olivain, Athos soupira.

— C’est bien vite me quitter, pensa-t-il en secouant la tête ; mais il obéit à la loi commune. La nature est ainsi faite, elle regarde en avant. Décidément il aime cette enfant ; mais m’aimera-t-il moins pour en aimer d’autres ?

Et Athos s’avoua qu’il ne s’attendait point à ce prompt départ ; mais Raoul était si heureux que tout s’effaça dans l’esprit d’Athos devant cette considération.

À dix heures tout était prêt pour le départ. Comme Athos regardait Raoul monter à cheval, un laquais le vint saluer de la part de Mme de Chevreuse. Il était chargé de dire au comte de la Fère qu’elle avait appris le retour de son jeune protégé, ainsi que la conduite qu’il avait tenue à la bataille, et qu’elle serait fort aise de lui faire ses félicitations.

— Dites à madame la duchesse, répondit Athos, que M. le vicomte montait à cheval pour se rendre à l’hôtel de Luynes.

Puis, après avoir fait de nouvelles recommandations à Grimaud, Athos fit de la main signe à Raoul qu’il pouvait partir.

Au reste, en y réfléchissant, Athos songeait qu’il n’y avait point de mal peut-être à ce que Raoul s’éloignât de Paris en ce moment.