— Que voulez-vous dire ?
— Rien, Monseigneur. M. d’Artagnan est au service, M. d’Artagnan fait son état de défendre Mazarin, qui le paie, comme nous faisons, nous autres bourgeois, notre état d’attaquer le Mazarin, qui nous vole.
— Vous êtes un garçon intelligent, mon ami ; peut-on compter sur vous ?
— Je croyais, dit Planchet, que M. le curé vous avait répondu de moi.
— En effet, mais j’aime à recevoir cette assurance de votre bouche.
— Vous pouvez compter sur moi, monseigneur, pourvu qu’il s’agisse de faire un bouleversement par la ville.
— Il s’agit justement de cela. Combien d’hommes croyez-vous pouvoir rassembler dans la nuit ?
— Deux cents mousquets et cinq cents hallebardes.
— Qu’il y ait seulement un homme par chaque quartier qui en fasse autant, et demain nous aurons une assez forte armée.
— Mais oui.
— Seriez-vous disposé à obéir au comte de Rochefort ?
— Je le suivrais en enfer, et ce n’est pas peu dire, car je le crois capable d’y descendre.
— Bravo !
— À quel signe pourra-t-on distinguer demain les amis des ennemis ?
— Tout frondeur peut mettre un nœud de paille à son chapeau.
— Bien ; donnez la consigne.
— Avez-vous besoin d’argent ?
— L’argent ne fait jamais de mal en aucune chose, monseigneur. Si on n’en a pas, on s’en passera ; si on en a, les choses n’iront que plus vite et mieux.
Gondy alla à un coffre et tira un sac.
— Voici cinq cents pistoles, dit-il, et si l’action va bien, comptez demain sur pareille somme.
— Je rendrai fidèlement compte à monseigneur de cette somme, dit Planchet en mettant le sac sous son bras.
— C’est bien, je vous recommande le cardinal.
— Soyez tranquille, il est en bonnes mains.
Planchet sortit, le curé resta un peu en arrière.
— Êtes-vous content, monseigneur ? dit-il.
— Oui, cet homme m’a l’air d’un gaillard résolu.
— Eh bien, il fera plus qu’il n’a promis.
— C’est merveilleux alors.
Et le curé rejoignit Planchet, qui l’attendait sur l’escalier. Dix minutes après on annonçait le curé de Saint-Sulpice.
Dès que la porte du cabinet de Gondy fut ouverte, un homme s’y précipita, c’était le comte de Rochefort.
— C’est donc vous, mon cher comte ! dit Gondy en lui tendant la main.
— Vous êtes donc enfin décidé, monseigneur ? dit Rochefort.
— Je l’ai toujours été, dit Gondy.
— Ne parlons plus de cela, vous le dites, je vous crois. Nous allons donner le bal au Mazarin ?
— Mais, je l’espère.
— Et quand commencera la danse ?
— Les invitations se font pour cette nuit, dit le coadjuteur, mais les violons ne commenceront à jouer que demain matin.
— Vous pouvez compter sur moi et sur cinquante soldats que m’a promis le chevalier d’Humières, dans l’occasion où j’en aurais besoin.
— Sur cinquante soldats ?
— Oui ; il fait des recrues et me les prête ; la fête finie, s’il en manque, je les remplacerai.
— Bien, mon cher Rochefort, mais ce n’est pas le tout.
— Qu’y a-t-il donc encore ? demanda Rochefort souriant.
— M. de Beaufort, qu’en avez-vous fait ?
— Il est dans le Vendômois, où il attend que je lui écrive de revenir à Paris.
— Écrivez-lui, il est temps.
— Vous êtes donc sûr de votre affaire ?
— Oui, mais il faut qu’il se presse, car à peine le peuple de Paris va-t-il être révolté que nous aurons dix princes pour un qui voudront se mettre à sa tête ; s’il tarde, il trouvera la place prise.
— Puis-je lui donner l’avis de votre part ?
— Oui, parfaitement.
— Puis-je lui dire qu’il