vait suivi… Mais tout à coup une tête apparut et fit entendre un léger sifflement.
— Oh ! dit Athos.
— Oui, répondit Grimaud.
Ils se rapprochèrent du saule.
— Eh bien, demanda d’Artagnan, quelqu’un est-il sorti ?
— Non ; mais quelqu’un est entré, dit Grimaud.
— Un homme ou une femme ?
— Un homme.
— Ah ! ah ! dit d’Artagnan ; ils sont deux, alors.
— Je voudrais qu’ils fussent quatre, dit Athos, au moins la partie serait égale.
— Peut-être sont-ils quatre, dit d’Artagnan.
— Comment cela ?
— D’autres hommes ne pouvaient-ils pas être dans cette maison avant eux et les y attendre ?
— On peut voir, dit Grimaud en montrant une fenêtre à travers les contrevents de laquelle filtraient quelques rayons de lumière.
— C’est juste, dit d’Artagnan, appelons les autres.
Et ils tournèrent autour de la maison pour faire signe à Porthos et à Aramis de venir.
Ceux-ci accoururent empressés.
— Avez-vous vu quelque chose ? dirent-ils.
— Non, mais nous allons savoir, répondit d’Artagnan en montrant Grimaud, qui, en s’accrochant aux aspérités de la muraille, était déjà parvenu à cinq ou six pieds de la terre.
Tous quatre se rapprochèrent. Grimaud continuait son ascension avec l’adresse d’un chat ; enfin il parvint à saisir un de ces crochets qui servent à maintenir les contrevents quand ils sont ouverts ; en même temps son pied trouva une moulure qui parut lui présenter un point d’appui suffisant, car il fit un signe qui indiquait qu’il était arrivé à son but. Alors il approcha son œil de la fente du volet.
— Eh bien ? demanda d’Artagnan.
Grimaud montra sa main fermée avec deux doigts ouverts seulement.
— Parle, dit Athos, on ne voit pas tes signes. Combien sont-ils ?
Grimaud fit un effort sur lui-même.
— Deux, dit-il. L’un est en face de moi, l’autre me tourne le dos.
— Bien. Et quel est celui qui est en face de toi ?
— L’homme que j’ai vu passer.
— Le connais-tu ?
— J’ai cru le reconnaître et je ne me trompais pas ; gros et court.
— Qui est-ce ? demandèrent ensemble et à voix basse les quatre amis.
— Le général Olivier Cromwell.
Les quatre amis se regardèrent.
— Et l’autre ? demanda Athos.
— Maigre et élancé.
— C’est le bourreau, dirent à la fois d’Artagnan et Aramis.
— Je ne vois que son dos, reprit Grimaud ; mais attendez, il fait un mouvement, il se retourne ; s’il a déposé son masque, je pourrai voir… Ah !
Grimaud, comme s’il eût été frappé au cœur, lâcha le crochet de fer et se rejeta en arrière en poussant un gémissement sourd. Porthos le retint dans ses bras.
— L’as-tu vu ? dirent les quatre amis.
— Oui, dit Grimaud les cheveux hérissés et la sueur au front.
— L’homme maigre et élancé ? dit d’Artagnan.
— Oui.
— Le bourreau, enfin ? demanda Aramis.
— Oui.
— Et qui est-ce ? dit Porthos.
— Lui ! lui ! balbutia Grimaud, pâle comme un mort et saisissant de ses mains tremblantes la main de son maître.
— Qui, lui ? demanda Athos.
— Mordaunt !… répondit Grimaud.
D’Artagnan, Porthos et Aramis poussèrent une exclamation de joie. Athos fit un pas en arrière et passa la main sur son front :
— Fatalité ! murmura-t-il.