Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/526

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d’abord. Nous le tenons, procédons avec ordre. Nous avons quelques explications mutuelles à nous demander, et ceci est un pendant de la scène d’Armentières : seulement, espérons que celui-ci n’aura point de progéniture, et que si nous l’écrasons, tout sera bien écrasé avec lui.

— Chut ! dit Grimaud ; le voilà qui s’apprête à sortir. Il s’approche de la lampe. Il la souffle. Je ne vois plus rien.

— À terre, alors, à terre !

Grimaud sauta en arrière et tomba sur ses pieds. La neige assourdissait le bruit. On n’entendit rien.

— Va prévenir Athos et Aramis ; qu’ils se placent de chaque côté de la porte, comme nous allons faire Porthos et moi ; qu’ils frappent dans leurs mains s’ils le tiennent ; nous frapperons dans les nôtres si nous le tenons.

Grimaud disparut.

— Porthos, Porthos, dit d’Artagnan, effacez mieux vos larges épaules, cher ami ; il faut qu’il sorte sans rien voir.

— Pourvu qu’il sorte par ici !

— Chut ! dit d’Artagnan.

Porthos se colla contre le mur à croire qu’il voulait y rentrer. D’Artagnan en fit autant. On entendit alors retentir le pas de Mordaunt dans l’escalier sonore. Un guichet inaperçu glissa en grinçant dans son coulisseau. Mordaunt regarda, et grâce aux précautions prises par les deux amis, il ne vit rien. Alors il introduisit la clé dans la serrure ; la porte s’ouvrit, et il parut sur le seuil. Au même instant, il se trouva face à face avec d’Artagnan. Il voulut repousser la porte. Porthos s’élança sur le bouton et la rouvrit toute grande. Porthos frappa trois fois dans ses mains. Athos et Aramis accoururent. Mordaunt devint livide, mais il ne poussa point un cri, mais n’appela point au secours.

D’Artagnan marcha droit sur Mordaunt, et, le repoussant pour ainsi dire avec sa poitrine, lui fit remonter à reculons tout l’escalier, éclairé par une lampe qui permettait au Gascon de ne pas perdre de vue les mains de Mordaunt ; mais Mordaunt comprit que, d’Artagnan tué, il lui resterait encore à se défaire de ses trois autres ennemis. Il ne fit donc pas un seul mouvement de défense, pas un seul geste de menace. Arrivé à la porte, Mordaunt se sentit acculé contre elle, et, sans doute il crut que c’était là que tout allait finir pour lui ; mais il se trompait : d’Artagnan étendit la main et ouvrit la porte. Mordaunt et lui se trouvèrent donc dans la chambre où dix minutes auparavant le jeune homme causait avec Cromwell.

Porthos entra derrière lui ; il avait étendu le bras et décroché la lampe du plafond ; à l’aide de cette première lampe il alluma la seconde. Athos et Aramis parurent à la porte, qu’ils refermèrent à clé.

— Prenez donc la peine de vous asseoir, dit d’Artagnan en présentant un siége au jeune homme.

Celui-ci prit la chaise des mains de d’Artagnan et s’assit, pâle mais calme. À trois pas de lui, Aramis approcha trois siéges pour lui, d’Artagnan et Porthos…

Athos alla s’asseoir dans un coin, à l’angle le plus éloigné de la chambre, paraissant résolu de rester spectateur immobile de ce qui allait se passer. Porthos s’assit à la gauche et Aramis à la droite de d’Artagnan.