Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/556

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et même bruit, de sorte que lorsque Mousqueton revint sur l’eau tout aveuglé, il se trouva soutenu par la large main de Porthos, et put, sans avoir besoin de faire aucun mouvement, s’avancer vers la corde avec la majesté d’un dieu marin. Au même instant Porthos vit tourbillonner quelque chose à la portée de son bras. Il saisit ce quelque chose par la chevelure : c’était Blaisois, au-devant duquel venait déjà Athos.

— Allez, allez, comte, dit Porthos, je n’ai pas besoin de vous.

Et en effet, d’un coup de jarret vigoureux, Porthos se dressa comme le géant Adamastor au-dessus de la lame, et en trois élans il se trouva avoir rejoint ses compagnons. D’Artagnan, Aramis et Grimaud aidèrent Mousqueton et Blaisois à monter, puis vint le tour de Porthos, qui, en enjambant par-dessus le bord, manqua de faire chavirer la petite embarcation.

— Et Athos ? demanda d’Artagnan. — Me voici, dit Athos, qui, comme un général soutenant la retraite, n’avait voulu monter que le dernier et se tenait au rebord de la barque. Êtes-vous tous réunis ? — Tous, dit d’Artagnan. Et vous, Athos, avez-vous votre poignard ? — Oui. — Alors, coupez le câble et venez.

Athos tira un poignard acéré de sa ceinture et coupa la corde ; la felouque s’éloigna, la barque resta stationnaire, sans autre mouvement que celui que lui imprimaient les vagues.

— Venez, Athos, dit d’Artagnan.

Et il tendit la main au comte de la Fère, qui prit à son tour place dans le bateau.

— Il était temps, dit le Gascon, et vous allez voir quelque chose de curieux !