Aller au contenu

Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/557

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE LXXVII.

FATALITY.


lettrine En effet, d’Artagnan achevait à peine ces paroles qu’un coup de sifflet retentit sur la felouque, qui commençait à s’enfoncer dans la brume et dans l’obscurité.

— Ceci, comme vous le comprenez bien, reprit le Gascon, veut dire quelque chose.

En ce moment on vit un falot apparaître sur le pont et dessiner des ombres à l’arrière. Soudain un cri terrible, un cri de désespoir traversa l’espace ; et comme si ce cri eût chassé les nuages, le voile qui cachait la lune s’écarta, et l’on vit se dessiner sur le ciel, argenté d’une pâle lumière, la voilure grise et les cordons noirs de la felouque.

Des ombres couraient éperdues sur le navire, et des cris lamentables accompagnaient ces promenades insensées. Au milieu de ces cris, on vit apparaître sur le couronnement de la poupe Mordaunt, une torche à la main.

Ces ombres qui couraient éperdues sur le navire, c’était Groslow qui, à l’heure indiquée par Mordaunt, avait rassemblé ses hommes, tandis que celui-ci, après avoir écouté à la porte de la cabine si les mousquetaires dormaient toujours, était descendu dans la cale, rassuré par le silence.

En effet, qui eût pu soupçonner ce qui venait de se passer ?

Mordaunt avait en conséquence ouvert la porte et couru à la mèche ; ardent comme un homme altéré de vengeance et sûr de lui comme ceux que Dieu aveugle, il avait mis le feu au soufre. Pendant ce temps, Groslow et ses matelots s’étaient réunis à l’arrière.

— Halez la corde, dit Groslow, et attirez la chaloupe à nous.

Un des matelots enjamba la muraille du navire, saisit le câble et tira à lui sans résistance aucune.

— Le câble est coupé ! s’écria le marin ; plus de canot ! — Comment plus de canot ! dit Groslow en s’élançant à son tour sur le bastingage, c’est impossible !