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D’Artagnan s’inclina, Porthos tourna et retourna son diplôme entre ses doigts en regardant Mazarin.

— Qu’y a-t-il donc encore ? demanda le ministre.

— Il y a, monseigneur, qu’il avait été question d’une promesse de chevalier de l’ordre à la première promotion.

— Mais, dit Mazarin, vous savez, monsieur le baron, qu’on ne peut être chevalier de l’ordre sans faire ses preuves.

— Oh ! dit Porthos, ce n’est pas pour moi, monseigneur, que j’ai demandé le cordon bleu.

— Et pour qui donc ?

— Pour mon ami, M. le comte de la Fère.

— Oh ! celui-là, dit la reine, c’est autre chose : les preuves sont faites ; il l’aura.

— Il l’a, dit Mazarin.

Le même jour le traité de Mazarin était signé, et l’on proclamait partout que le cardinal s’était enfermé pendant trois jours pour l’élaborer avec plus de soin.

Voici ce que chacun gagnait à ce traité :

M. de Conti avait Damvilliers, et, ayant fait ses preuves comme général, il obtenait de rester homme d’épée et de ne pas devenir cardinal. De plus, on avait lâché quelques mots d’un mariage avec une nièce de Mazarin, ces quelques mots avaient été accueillis avec faveur par le prince, à qui il importait peu avec qui on le marierait, pourvu qu’on le mariât.

M. le duc de Beaufort faisait sa rentrée à la cour avec toutes les réparations dues aux offenses qui lui avaient été faites et tous les honneurs qu’avait droit de réclamer son rang. On lui accordait la grâce pleine et entière de ceux qui l’avaient aidé dans sa fuite, la survivance de l’amirauté que tenait le duc de Vendôme son père et une indemnité pour ses maisons et châteaux, que le parlement de Bretagne avait fait démolir.

Le duc de Bouillon recevait des domaines d’une égale valeur à sa principauté de Sédan, une indemnité pour les huit ans de non-jouissance de cette principauté, et le titre de prince accordé à lui et à ceux de sa maison.

M. le duc de Longueville, le gouvernement du Pont-de-l’Arche, cinq cent mille livres pour sa femme et l’honneur de voir son fils tenu sur les fonts de baptême par le jeune roi et la jeune Henriette d’Angleterre.

Aramis stipula que ce serait Bazin qui officierait à cette solennité et que ce serait Planchet qui fournirait les dragées.

Le duc d’Elbeuf obtint le paiement de certaines sommes dues à sa femme, cent mille livres pour l’aîné de ses fils et vingt-cinq mille pour chacun des trois autres.

Il n’y eut que le coadjuteur qui n’obtint rien. On lui promit bien de négocier l’affaire de son chapeau avec le pape ; mais il savait quels fonds il fallait faire sur de pareilles promesses venant de la reine et de Mazarin. Tout au contraire de M. de Conti, ne pouvant devenir cardinal, il était forcé de demeurer homme d’épée.

Aussi, quand tout Paris se réjouissait de la rentrée du roi fixée au surlendemain, Gondi, seul au milieu de l’allégresse générale, était-il de si mauvaise humeur, qu’il envoya chercher à l’instant deux hommes qu’il avait l’habitude de faire appeler quand il était dans cette disposition d’esprit.

Ces deux hommes étaient l’un le comte de Rochefort, l’autre le mendiant de Saint-Eustache. Ils vinrent avec leur ponctualité ordinaire, et le coadjuteur passa une partie de la nuit avec eux.