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Page:Dumas - Vingt ans après, 1846.djvu/92

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En effet, au bout d’un instant, il entendit des pas qui s’approchaient et comme un bruit de voix qui parlaient tout bas.

Au commencement de la haie les pas s’arrêtèrent.

D’Artagnan mit un genou en terre, cherchant la plus grande épaisseur de la haie pour s’y cacher.

En ce moment deux hommes apparurent, au grand étonnement de d’Artagnan ; mais bientôt son étonnement cessa, car il entendit vibrer une voix douce et harmonieuse ; l’un de ces deux hommes était une femme déguisée en cavalier.

— Soyez tranquille, mon cher René, disait la voix douce, la même chose ne se renouvellera plus ; j’ai découvert une espèce de souterrain qui passe sous la rue, et nous n’aurons qu’à soulever une des dalles qui sont devant la porte pour vous ouvrir une entrée et une sortie. — Oh ! dit une autre voix que d’Artagnan reconnut pour celle d’Aramis, je vous jure bien, princesse, que si votre renommée ne dépendait pas de toutes ces précautions, et que je n’y risquasse que ma vie… — Oui, oui, je sais que vous êtes brave et aventureux autant qu’homme du monde ; mais vous n’appartenez pas seulement à moi seule, vous appartenez à tout notre parti. Soyez donc prudent, soyez donc sage ! — J’obéis toujours, madame, dit Aramis, quand on me sait commander avec une si douce voix.

Et il lui baisa tendrement la main.

— Ah ! s’écria le cavalier à la voix douce.

— Quoi ? demanda Aramis.

— Mais ne voyez-vous pas que le vent a enlevé mon chapeau.

Et Aramis s’élança après le feutre fugitif. D’Artagnan profita de la circonstance pour chercher un endroit de la haie moins touffu qui laissât son regard pénétrer librement jusqu’au problématique cavalier. En ce moment, justement, la lune, curieuse peut-être comme l’officier, sortait de derrière un nuage, et, à sa clarté indiscrète, d’Artagnan reconnut les grands yeux bleus, les cheveux d’or et la noble tête de la duchesse de Longueville.

Aramis revint en riant un chapeau sur la tête et un chapeau à la main, et tous deux continuèrent leur chemin vers le couvent des jésuites.

— Bon ! dit d’Artagnan en se relevant et en brossant son genou, maintenant je te tiens, tu es frondeur et amant de Mme de Longueville.