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III


une jambe ronde que recouvre un bas de soie à petits jours. Tout l’ensemble de sa toilette était en harmonie avec cette taille souple et jeune ; ce visage d’un bel ovale un peu pâle répondait à la grâce qu’elle répandait autour d’elle comme un indicible parfum.

Elle entra donc ; elle traversa, la tête haute, cette cohue étonnée, et nous fûmes très surpris, Liszt et moi, lorsqu’elle vint s’asseoir familièrement sur le banc où nous étions, car ni moi ni Liszt ne lui avions jamais parlé ; elle était femme d’esprit, de goût et de bon sens, et elle s’adressa tout d’abord au grand artiste ; elle lui raconta qu’elle l’avait entendu naguère, et qu’il l’avait fait rêver. Lui, cependant, semblable à ces instruments sonores qui répondent au premier souffle de la brise de mai, il écoutait avec une attention soutenue ce beau langage plein d’idées, cette langue sonore, éloquente et rêveuse tout ensemble. Avec cet instinct merveilleux qui est en lui, et cette grande habitude du plus grand monde officiel, et du plus grand monde parmi les artistes, il se demandait quelle était cette femme, si familière et si noble, qui l’abordait la première et qui, après les premières paroles échangées, le traitait avec une certaine hauteur, et comme si ce fût lui-même qui lui eût été présenté,