Page:Dumas fils - La Dame aux camélias, 1852.djvu/250

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la chance d’y faire sa fortune : on jouait contre de l’argent, et si l’on perdait, on avait la consolation de se dire qu’on aurait pu gagner ; tandis que maintenant, excepté dans les cercles, où il y a encore une certaine sévérité pour le paiement, on a la presque certitude, du moment que l’on gagne une somme importante, de ne pas la recevoir. On comprendra facilement pourquoi.

Le jeu ne peut être pratiqué que par des jeunes gens ayant de grands besoins, et manquant de la fortune nécessaire pour soutenir la vie qu’ils mènent ; ils jouent donc, et il en résulte naturellement ceci : ou ils gagnent, et alors les perdants servent à payer les chevaux et les maîtresses de ces messieurs, ce qui est fort ridicule ; ou ils perdent, et comme ils manquent déjà d'argent pour leur vie, à plus forte raison doivent-ils en manquer pour payer ce qu'ils ont perdu ; ils ne payent donc pas, ce qui est fort désagréable. Des dettes se contractent, des relations commencées autour d’un tapis vert finissent par des querelles où l’honneur et la vie se déchirent toujours un peu ; et quand on est honnête homme, on se trouve ruiné souvent par de très honnêtes jeunes gens qui n’avaient d’autre défaut que de ne pas avoir deux cent mille livres de rente.