Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/119

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pour vouloir bien être l’amant de mes impressions. Cet homme, je l’avais trouvé dans le duc ; mais la vieillesse ne protège ni ne console, et mon cœur a d’autres exigences. Alors, je t’ai rencontré, toi, jeune, ardent, heureux ; les larmes que je t’ai vu répandre pour moi, l’intérêt que tu as pris à ma santé, tes visites mystérieuses pendant ma maladie, ta franchise, ton enthousiasme, tout me permettait de voir en toi celui que j’appelais du fond de ma bruyante solitude. En une minute, comme une folle, j’ai bâti tout un avenir sur ton amour, j’ai rêvé campagne, pureté ; je me suis souvenue de mon enfance, — on a toujours eu une enfance, quoi que l’on soit devenue ; — c’était souhaiter l’impossible ; un mot de toi me l’a prouvé… Tu as voulu tout savoir, tu sais tout ?

Armand.

Et tu crois qu’après ces paroles-là, je vais te quitter ? Quand le bonheur vient à nous, nous nous sauverions devant lui ? Non, Marguerite, non ; ton rêve s’accomplira, je te le jure. Ne raisonnons rien, nous sommes jeunes, nous nous aimons, marchons en suivant notre amour.

Marguerite.

Ne me trompe pas, Armand, songe qu’une émotion violente peut me tuer ; rappelle-toi bien qui je suis, et ce que je suis.

Armand.

Tu es un ange, et je t’aime !

Nanine, du dehors, frappant à la porte.

Madame…

Marguerite.

Quoi ?

Nanine.

On vient d’apporter une lettre !

Marguerite, riant.

Ah çà ! c’est donc la nuit aux lettres !… De qui est-elle ?