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Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/129

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voulais qu’Armand m’épousât, il m’épouserait demain : mais je l’aime trop pour lui demander un pareil sacrifice ! — Monsieur Gustave, ai-je raison ?

Gustave.

Vous êtes une honnête fille, Marguerite.

Marguerite.

Non, mais je pense comme un honnête homme. C’est toujours ça. Je suis heureuse d’un bonheur que je n’eusse jamais osé espérer, j’en remercie Dieu et ne veux pas tenter la Providence.

Nichette.

Gustave fait des grands mots, et il t’épouserait, lui, s’il était à la place d’Armand ; n’est-ce pas, Gustave ?

Gustave.

Peut-être. D’ailleurs, la virginité des femmes appartient à leur premier amour, et non à leur premier amant.

Nichette.

À moins que leur premier amant ne soit en même temps leur premier amour ; il y a des exemples.

Gustave, lui serrant la main.

Et pas loin, n’est-ce pas ?

Nichette, à Marguerite.

Enfin, pourvu que tu sois heureuse, peu importe le reste !

Marguerite.

Je le suis. Qui m’eût dit cependant qu’un jour, moi, Marguerite Gautier, je vivrais tout entière dans l’amour d’un homme, que je passerais des journées assise à côté de lui, à travailler, à lire, à l’entendre ?

Nichette.

Comme nous.

Marguerite.

Je puis vous parler franchement, à vous deux qui me croirez, parce que c’est votre cœur qui écoute : par mo-