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Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/134

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du père d’Armand, je parlerai. Depuis que je connais votre fils, pour que mon amour ne ressemble pas un instant à tout ce qui a pris ce nom près de moi, j’ai engagé ou vendu cachemires, diamants, bijoux, voitures ; et quand tout à l’heure, on m’a dit que quelqu’un me demandait, j’ai cru recevoir un homme d’affaires, à qui je vendais les meubles, les tableaux, les tentures, le reste de ce luxe que vous me reprochez. Enfin, si vous doutez de mes paroles, tenez, je ne vous attendais pas, monsieur, et, par conséquent, vous ne pourrez croire que cet acte a été préparé pour vous, si vous en doutez, lisez cet acte.

Elle lui donne l’acte de vente que Prudence lui a remis.
M. Duval.

Une vente de votre mobilier, à la charge, par l’acquéreur, de payer vos créanciers et de vous remettre le surplus. (La regardant avec étonnement.) Me serais-je trompé ?

Marguerite.

Oui, monsieur, vous vous êtes trompé, ou plutôt vous avez été trompé. Oui, j’ai été folle ; oui, j’ai un triste passé ; mais, pour l’effacer, depuis que j’aime, je donnerais jusqu’à la dernière goutte de mon sang. Oh ! quoi qu’on vous ait dit, j’ai du cœur, allez ! je suis bonne ; vous verrez quand vous me connaîtrez mieux… C’est Armand qui m’a transformée ! — Il m’a aimée, il m’aime. Vous êtes son père, vous devez être bon comme lui ; je vous en supplie, ne lui dites pas de mal de moi, il vous croirait, car il vous aime ; et, moi, je vous respecte et je vous aime, parce que vous êtes son père.

M. Duval.

Pardon, madame, je me suis mal présenté tout à l’heure ; je ne vous connaissais pas, je ne pouvais prévoir tout ce que je découvre en vous. J’arrivais irrité du silence de mon fils et de son ingratitude, dont je vous accusais ; pardon, madame.