Page:Dumas fils - Théâtre complet, 1898 - Tome I.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nanine.

Oui, madame.

Marguerite.

Armand ! Tu as vu Armand ?… Armand vient me voir !… (Nanine fait signe que oui. — Courant à la porte.) Armand ! (Il paraît pâle ; elle se jette à son cou, elle se cramponne à lui.) Oh ! ce n’est pas toi, il est impossible que Dieu soit si bon !



Scène VIII

MARGUERITE, ARMAND.
Armand.

C’est moi, Marguerite, moi, si repentant, si inquiet, si coupable, que je n’osais franchir le seuil de cette porte. Si je n’eusse rencontré Nanine, je serais resté dans la rue à prier et à pleurer. Marguerite, ne me maudis pas ! Mon père m’a tout écrit ! j’étais bien loin de toi, je ne savais où aller pour fuir mon amour et mes remords… Je suis parti comme un fou, voyageant nuit et jour, sans repos, sans trêve, sans sommeil, poursuivi de pressentiments sinistres, voyant de loin la maison tendue de noir. Oh ! si je ne t’avais pas trouvée, je serais mort, car c’est moi qui t’aurais tuée ! Je n’ai pas encore vu mon père. Marguerite, dis-moi que tu nous pardonnes à tous deux. Ah ! que c’est bon, de te revoir !

Marguerite.

Te pardonner, mon ami ? Moi seule étais coupable ! Mais, pouvais-je faire autrement ? Je voulais ton bonheur, même aux dépens du mien. Mais maintenant, ton père ne nous séparera plus, n’est-ce pas ? Ce n’est plus ta Marguerite d’autrefois que tu retrouves ; cependant, je suis jeune encore, je redeviendrai belle, puisque je suis heureuse. Tu oublieras tout. Nous commencerons à vivre à partir d’aujourd’hui.