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terres des habitants et en feront des prolétaires. Le servage d’un peuple ne peut être sa nationalité ; et il est un fait incontestable, c’est que la plupart des Seigneurs ont été, et sont encore des spéculateurs de terres plus redoutables que ceux que l’on évoque, comme des fantômes, pour épouvanter. Le cultivateur, déchargé des lourdes charges seigneuriales, trouvant son avantage à garder et à cultiver sa terre à son profit, ne donnera pas de prise aux envahissements des riches. Voit-on aux États-Unis libres, où le sceptre de la féodalité n’existe pas, les propriétaires dans les campagnes devenir la proie des capitalistes, devenir des fermiers par la disparition de la répartition des terres ? Y voit-on le hideux spectacle de maisons, de fermes délabrées, de serfs courbés sous le joug du riche et le servage le plus avilissant ? Non ; il est loin d’en être ainsi. Les cultivateurs Canadiens, déchargés des droits seigneuriaux, pourront prétendre, en grande partie, à toute la prospérité et le bonheur, partages des cultivateurs Américains, et que leurs institutions républicaines leur procurent.

Mais, à entendre les alarmistes, l’abolition des droits seigneuriaux aurait pour conséquence inévitable de jeter le Canada dans l’état déplorable, la misère et les gémissements des fermiers de la Grande-Bretagne, et de la trop malheureuse Irlande, qu’ils doivent particulièrement à l’existence du droit de primogéniture ou d’aînesse, et à toutes les affreuses conséquences dont il est la cause. Assertion fausse, mensongère et absurde ! Une tenure quelconque de propriété sujette à des conditions onéreuses et avilissantes, doit nécessairement être injurieuse au pays où elle existe, répugner aux sentiments de l’homme libre, ne pas s’accorder avec l’esprit de lumières et de civilisation du dix-neuvième siècle, et être, enfin, une source de pauvreté, de misère, d’irritation, de juste aversion, et même d’insurrection et de troubles publics.

Il est évident que l’Acte pour la Commutation des Tenures, la 6e George IV, ch. 59, n’assure aux censitaires aucun des