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l’argent, à lui sacrifier toute pudeur, à croire que toute conscience est à vendre, pourvu qu’on y mette le prix.

C’est la morale du baron Tamponneau, la grande lumière du Métallisme. C’était aussi celle de Napoléon, qui l’appliqua dans les cours et parmi la diplomatie continentale : corruption dont le succès parut prouver qu’il était dans le vrai.

Le j’m’enfoutisme, que les métalliques affichent, n’est souvent que l’affectation d’un scepticisme qui prend sa source dans le mépris qu’ils éprouvent pour l’humanité. C’est souvent aussi un truc pour se débarrasser des importuns qui les assaillent.

L’esprit de l’argent leur tient lieu de tout.

L’esprit de l’argent compense la connaissance de toutes les sciences, la pratique de toutes les vertus. Il régit souverainement le monde, édicte les mœurs, décrète la morale publique ; il est l’arbitre de la paix et de la guerre, il aplanit les montagnes, comble les précipices, sépare ou rassemble les continents.

Il est la foi, l’espérance et l’amour ; il lie, concilie, imprime au cœur la joie et la tristesse, l’allégresse et le désespoir.

Il embrasse l’humanité d’une chaîne enchantée dont chaque chaînon porte en lui la vie et la mort. Il moralise et corrompt. Il est l’héroïsme et le crime, l’amour et la haine, le triomphe et l’abîme.