Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/139

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C’était une chose que Jean supportait mal : le doute quand il avait parlé. Il eût beaucoup mieux aimé avoir un reproche à se faire, si l’on devait croire ce reproche établi, que d’en être indemne puisqu’on ne le croyait pas innocent. Et tandis qu’il donnait les apparences d’une grande attention à son Horace, il sentait ses pensées flotter et se confondre de la plus fâcheuse façon du monde.

Que faisait Lucienne ? Pourrait-elle rester, sans sortir, dans la petite maison ? Il lui était permis au besoin d’aller dans le jardin, sauf sur le midi, où le mur en surplomb est bas. Alors on est vu de la propriété voisine. Respecterait-elle tous les conseils qu’il avait prodigués ? Il la sentait très différente de lui-même. Il aimait à se discipliner, par goût et par orgueil, pour pouvoir se dire : « Je pouvais faire cela et je ne l’ai pas fait. » Mais il se rendait compte depuis la veille que l’on peut être éduqué dans un principe exactement contraire, et même trouver du plaisir à suivre aveuglément ses impulsions. Lucienne était ainsi faite.

Il cherchait à deviner l’avenir et, méthodiquement, en classait les données.

Si on découvrait Lucienne, que lui diraient ses parents ?

Cela importait assez peu. Dans le fond, Jean se savait incapable d’être privé de rien, puis-