Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/180

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son esprit restait un mélange de velléités et de réflexions magnifiques, mais dont il ne portait pas la réalisation dans sa volonté.

De se sentir double et partagé entre un désir démesuré et des énergies trop déficientes, une grande envie le prit de pleurer. Il vint, au bord même de l’eau, s’asseoir sur l’herbe et se mit mécaniquement à arracher le gazon mouillé.

Il lui parut qu’il accomplissait un rite très beau et très ancien en jetant ces molles tigelles au fil de l’eau sombre. Il eût voulu en tresser des couronnes qu’il offrirait aux oréades, et son âme rajeunie lui fit regretter le temps où l’on pouvait parler avec les divinités charmantes et subtiles des arbres et du flot.

Tous les mots qui désignent comme des êtres, dans la vieille langue latine, les fleurs, la lumière, les étoiles, le gazon, les rivières et le ciel lui revinrent à l’esprit. Il entendit dactyles et spondées, sonner leurs rythmes mythologiques. Et cela lui fit ressouvenir que le poète des Métamorphoses, amant né des belles Romaines, fut un jour exilé vers la mer Noire où il mourut. L’Amour, à ce rappel, devint devant ses yeux une divinité tragique et redoutée. Il pousse — Jean venait de s’en apercevoir — l’individu humain à violer toutes les lois morales. Et alors…

Eh bien soit ! Il violerait ces lois. Il sacri-