Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/222

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d’arrêt psychique. Il se sentit un jouet entre les mains de la déesse qui conjoint les êtres et à laquelle Titus Lucrecius Carus offrit, voici vingt siècles, son poème. Hors toute science volontaire et mû par un savoir brusquement révélé des mystères physiques de l’amour, Jean étendit la main vers un contact qui éréthisait tout son être. Tout à l’heure il l’avait connu à travers la jupe. Cette fois il fut sur la chair. Une horripilation douce et tragique le poignait. Il reste un instant comme un avare qui n’ose toucher à son trésor. Mais, avec des plaintes de tendresse affolée, Lucienne bégayait son désir. Au seul mouvement qu’il fit, il s’aperçut que la jeune fille était maintenant entre ses doigts comme un petit oisillon dont la vie et la mort dépendent d’une flexion des phalangines. Elle était devenue un vibrant appel, un vertige doux et attirant auquel on ne saurait résister. Jean, à son tour, posa sur les belles lèvres, sa bouche enflammée et gonflée dont il eût aimé que la chair turgide crevât pour désaltérer une soif ardente de sang chaud et épais. Elle gémit. Maintenant il la tenait presque sous lui, raide et tendue comme un arc.

— Jean !

La voix était lointaine et semblait un appel irrésistible de sirène.