Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/30

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celui-là ne sortait jamais que les mains noires et la chemise ouverte sur une poitrine velue, avec sur le ventre son petit tablier de cuir roussi par le feu. Il commençait à devenir une puissance. Vénérable de la loge maçonnique, il affectait de traiter de haut ses cousins magistrats. Toutefois, il ne dédaignait point venir secrètement à eux, lorsque ses affaires le contraignaient à recourir au glaive de justice.

C’était l’oncle même de la jeune Lucienne Dué, qui venait d’arriver à minuit trouver son cousin dans sa maison vide.

Le père de Lucienne Dué avait exercé toutes les professions compatibles avec l’inertie, surtout les moins avouables. Déjà faible et porté pour l’alcool, il se trouvait à quinze ans apprenti chez un ébéniste. Privé de goût et de soin, il rétrogradait aussitôt dans la menuiserie. Vingt ans il avait manié la varlope. Marié, trois enfants lui étaient venus. Deux garçons, surtout, indomptables et férus d’aventures, comme on n’en connaissait point depuis des siècles dans la famille. L’un d’eux, embarqué cinq ans plus tôt à bord d’un voilier, avait déserté dans l’océan Indien. Sans courage tant qu’il s’était vu en France, il se découvrait là-bas une activité ardente et une volonté de fer. On ne savait ce qu’il exploitait maintenant en ces terres