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Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/31

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lointaines, mais on avait pu apprendre qu’il fût en passe de devenir très riche.

Le second fils se trouvait à Paris. On ignorait exactement quel métier le fît vivre.

La jeune fille, Lucienne, jolie et intelligente, devint après les fugues de ses frères le souffre-douleur des siens. Son père, usé par l’alcool, cultivait une violence et une irritabilité extrêmes. Sa mère, fille d’un garde-chasse, élevée dans des habitudes de brutalité et de despotisme, exerçait sur elle des goûts involontairement portés vers le sadisme. L’enfant se trouva donc très malheureuse en grandissant. L’oncle, le forgeron, se permettait lui-même volontiers de la corriger, avec un trouble avant-goût d’autres passions qu’il paraissait vouloir un jour aussi satisfaire. Veuf, en effet, il laissait percer l’espoir secret d’épouser la jeune Lucienne Dué, sa nièce, lorsqu’elle aurait vingt ans.

Cependant la fillette se savait belle. L’été, des voyageurs passant dans la ville, ou y flânant, s’étaient retournés au passage de cette grande forme féminine élégante et souple. Le fils du châtelain voisin, époux d’une Dué de la magistrature, lui avait même serré les hanches en passant un soir dans une venelle. Lucienne gardait de ce contact furtif, mais mené comme une conquête par un homme expert aux étreintes, un souvenir irrité et lascif. Un jour, au