Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/42

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Et l’attitude de son cousin la stupéfiait aussi. Elle le croyait un de ces garçons, audacieux de ne craindre rien, qui troussent les jupes des femmes, dans les venelles, le soir à peine venu. Elle ne savait ce qu’elle lui eût permis. Les femmes ne théorisent pas leurs volontés. En tout cas elle attendait de lui quelques-unes de ces paroles sucrées, à l’audition desquelles les jeunes femmes n’osent plus se défendre. Mais Jean ne ressemblait aucunement aux adolescents de son âge. Il était timide. Comment pouvait-on être timide et riche ? Ce problème tourmentait Lucienne Dué. La timidité lui avait toujours semblé être l’accompagnement de la faiblesse et de la pauvreté. Que d’étonnements encore ! Il serait avocat, ce puissant gaillard, et il paraissait incapable de trouver ses mots. Elle l’avait même déjà vu rougir…

Quant à lui, il cultivait, sans en formuler aucune interprétation verbale, un bonheur très fin et que seul le silence lui paraissait devoir compléter. Il sortait donc comme en trébuchant, de cette félicité, chaque fois qu’il lui fallait répondre. La présence parfumée et féminine réveillait en sa pensée surnourrie de classiques toute une littérature dont jamais il n’avait jusque-là compris le sens et la beauté formels. Cette fois il pénétrait l’arcane. Il pourrait désormais lire les poètes avec le juste