Page:Dunan - Eros et Psyché, 1928.djvu/82

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obscurcie. Il dut en centrer les rayons, séparer les choses réelles du rêve qui avait accompagné son cerveau jusqu’à éveil.

D’abord il mélangea à ses sensations d’éveil cette course éperdue qu’il accomplissait en songe avec une femme courant devant lui et qu’il avait un mal exténuant à suivre. Il revoyait sa compagne arrêtée par une foule hurlante qui la piétinait. Désarmé et désespéré, il s’efforçait de la défendre, mais ne sortait-elle pas intacte et riante de la colère publique. Et c’était Lucienne qui se moquait en disant : « Pourquoi n’es-tu pas venu me frapper le premier ?… »

Il se passa la main sur le front.

Quelle nuit… Pourquoi se sentait-il si las ? Combien le devoir et le plaisir doivent être difficiles à découvrir lorsqu’on est ainsi déprimé ? Pourquoi n’était-il pas allé se coucher ? Il y avait des lits dans la maison. Deux chambres de réserve et deux chambres domestiques non occupées. Mais le désir profond de sa chair et de sa pensée était que l’aventure lui fût lourde. Il se serait méprisé de dormir en paix et sans souci quand une partie du destin de sa cousine reposait sur ses propres décisions.

Et au tréfonds de son esprit se formulait encore cette idée : « Je suis d’un rang social au-dessus d’elle et c’est mon devoir d’avoir