Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/139

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il s’était éloigné et commandait aux matelots, sûr de lui, le masque impérieux et les mains croisées.

Bientôt on fut au large, l’amas des maisons marseillaises cessa d’être perceptible dans la grande lumière et un lent roulis enveloppa le bateau.

Ioanna, assise en proue, voyait sous l’étrave le flot se partager en deux vagues crissantes. Elle pensait à Fulda et aux caresses de Gontram, qui, depuis sa fuite, semblaient avoir perdu toute leur force envoûtante.

À cette heure sa chair vibrait pourtant à nouveau. Et elle savait assez de la vie pour tout redouter du lendemain. Cet Arabe majestueux ne disait que le quart de ses pensées, et encore…

Que voulait-il faire d’elle ?

Ioanna avait entendu parler de ces belles filles qu’on ramasse sur les rivages en leur offrant des colifichets d’au delà des mers. On les emporte piaillantes, tandis que leurs amis, parents, amants ou époux accourent trop tard avec des armes vaines.

La barque des ravisseurs est souple comme un cheval de cirque, dressé pour les courses de Byzance. Elle fuit, et la proie affolée sait qu’elle ne reverra jamais le rivage natal.

Il y a aussi très loin, dans des villes qui