Page:Dunan - La Papesse Jeanne, 1929.djvu/26

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Mais un des gardes survenus coupait la tête épiscopale et on jetait le corps dans le lac voisin. Ainsi agissait-on, en cette année 812 de l’ère chrétienne.

Le soldat rêvant, assis sur la pierre, tournait et retournait tous ses souvenirs. Il se sentait accablé et la lassitude de la vie militaire pesait à ses épaules. Hélas ! depuis des siècles que les siens n’avaient pas revu le pays dont ils gardaient le souvenir, fallait-il que la race s’éteignît ainsi, sans espoir que jamais un fils de leur nom reparût là où jadis ce nom avait régné ?

Il soupira.

À vingt pas, une sorte de muraille de pieux courait irrégulièrement à travers les arbres de la forêt. Ç’avait été un tracé romain, du temps où l’Empire avait Rome comme capitale, et que la main de Rome s’étendait sur tout le monde connu. C’était alors un limes, ou frontière artificielle de l’immense Imperium possédé par des empereurs parlant le latin. Ensuite on avait reporté le mur plus à l’est. On l’avait mené même de l’autre côté du fleuve Rhin, afin d’avoir des pièges à esclaves. Cela advint au temps où l’Empire ruiné et féroce transformait en serfs tous ceux — innombrables — qui ne pouvaient payer les lourds impôts. Des centaines de milliers d’hommes fuyaient alors, à travers les bois et les campagnes, vers