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LES MARCHANDS DE VOLUPTÉS

Car elle commençait d’hésiter à dire brutalement sa pensée, non par pudeur, certes, mais parce qu’il lui semblait bien que la vérité est de valeur morale négative, dans un monde où personne ne croit autrui et où tout le monde ment…

Et voilà qu’on sonna chez Mme Mouste. C’était un vieillard plein de la plus ténébreuse sottise, mais d’une sordide avarice. Il demanda à la patronne du lieu si elle avait une oiselle de nouveau style.

— J’ai ce qui vous faut, monsieur le duc !

Car le personnage, dans la réalité marchand de chiffons en gros, voulait essentiellement être nommé « monsieur le duc » dans les maisons de passe.

— Faites voir !

— Venez dans le salon à côté, là, je vais vous la montrer. Il entra, et Amande fut avertie d’avoir à passer d’un air élégant et galant devant le visiteur.

— Souriez, lui dit Mme Mouste.

Amande se sentit, à son début, un rien émue. Elle ouvrit la porte avec souci, puis entra là où le macrobite attendait, et, marchant simplement, s’en alla sortir à l’autre bout de la pièce.

Elle vit sans le regarder un vieux bougre édenté et fumeux, avec des yeux fibrillés de sang et des mains légèrement tremblantes, qui la contemplait avec un air féroce. Sitôt qu’elle

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