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LES MARCHANDS DE VOLUPTÉS


maîtresse du potard, les tenanciers du dancing, il faut l’avouer, conseillés par des artistes éminents et ne regardant pas à la dépense, avaient vraiment fait de la Sangsue un établissement royal.

Amande se promena. Elle regardait avec une sorte de joie intime et voluptueuse passer des gens d’une élégance fascinante et d’autres d’une recherche certaine, mais plus vulgaire. On en voyait encore quelques-uns pourris de grossièreté et de mauvais goût. C’était vraiment tout Paris. Des adolescentes aux yeux cernés erraient ça et là par deux, avec des mines de louves en rut, et des matrones, dépassant la soixantaine, décolletées plus bas que le nombril et troussées plus haut que les aines, faisant les petites filles avec un art d’ailleurs accompli… Les hommes gardaient presque tous cet air d’ennui qui dissimule l’attention et le désir. La foule allait donc et venait, se croisait, se mélangeait, dans une sorte de perpétuel brassage où, çà et là, des gueules dures et excitées, des masques amollis par la détente du plaisir, des figures étirées et éteintes disaient mille choses étranges et trahissaient le comportement prochain ou récent de leurs porteurs…

Dans le centre, on dansait avec une lente frénésie, au son d’un orchestre de huit mulâtres colossaux, ricaneurs et épileptiques. Les couples s’enlaçaient avec une tendresse