Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/70

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posté sur le siége de ma voiture près du cocher, leur paraît devoir être mon ordonnance[1] ; ils voudraient savoir qui je suis, et découvrir le but de la mission dont ils me supposent chargé, car il ne pouvait guère leur venir à la pensée qu’un simple touriste eût entrepris de se risquer seul au milieu des camps, et que, parvenu jusqu’à Cavriana, il se proposât, à une heure aussi tardive, d’aller plus loin. Le caporal, qui n’en savait pas davantage, resta naturellement impénétrable, tout en répondant très-respectueusement à leurs questions, et la curiosité sembla s’accroître lorsqu’on me vit repartir pour Borghetto, où devait être le duc de Magenta. Le deuxième corps que commandait le maréchal, avait dû, le 26, se porter de Cavriana à Castellaro qui en est éloigné de cinq kilomètres, et ses divisions étaient établies à droite et à gauche de la route qui conduit de Castellaro à Monzambano ; le maréchal lui-même, avec son état-major, occupait Borghetto. Mais la nuit s’était avancée : n’ayant obtenu que des renseignements assez incomplets, au bout d’une heure de marche nous nous trompons de route, et pre-

  1. Ce caporal qui avait été blessé à Magenta, et qui après sa convalescence rejoignait son bataillon, s’était donné beaucoup de peine à Castiglione pour aider les infirmiers ; j’acceptai l’offre qu’il me fit de m’accompagner dans cette course au milieu des armées, où sa qualité de militaire gradé pouvait me tenir lieu de sauf-conduit dans un pareil moment. Ce même jour du 27, deux Anglais qui avaient voulu s’aventurer jusque dans l’intérieur des lignes françaises, furent pris par des soldats pour des espions allemands, et malmenés à travers le camp où ils avaient été se fourrer si malencontreusement, jusqu’à ce que, par bonheur pour eux, ils rencontrèrent le maréchal commandant le corps d’armée, qui mit promptement fin à une mésaventure dont nos deux insulaires demeurèrent d’ailleurs enchantés.