Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/95

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tement ou qui suivirent cette date, soit par l’influence pernicieuse du climat au milieu de l’été et les chaleurs tropicales des plaines de la Lombardie, soit enfin par les accidents provenant des imprudences que commettaient les soldats. — Abstraction faite du point de vue militaire et glorieux, cette bataille de Solférino était donc, aux yeux de toute personne neutre et impartiale, un désastre pour ainsi dire européen[1].


Le transport des blessés, de Brescia à Milan, qui a lieu pendant la nuit (à cause de la chaleur torride du jour), présente un spectacle aussi dramatique que saisissant

  1. Ecoutons Paul de Molènes, qui assistait à la bataille de Solférino comme officier supérieur dans l’armée française, et à qui son noble cœur a dicté les lignes suivantes qui sont tout à fait en harmonie avec notre sujet :

    « Après la bataille de Marengo, » celle de 1800, « qui fut bien loin pourtant d’égaler en carnage la bataille de Solférino, Napoléon Ier éprouva un de ces sentiments soudains et puissants, étrangers aux conseils de la politique, supérieurs peut-être aux inspirations mêmes du génie, un de ces sentiments, le secret des âmes héroïques, qui éclosent sous les regards de Dieu, dans les parties les plus hautes et les plus mystérieuses de la conscience. — C’est sur le champ de bataille, écrivit-il à l’empereur d’Autriche, au milieu des souffrances d’une multitude de blessés, et environné de quinze mille cadavres, que je conjure Votre Majesté d’écouter la voix de l’humanité. — Cette lettre que nous a donnée tout entière un historien célèbre de nos jours, m’a vivement frappé. Celui qui l’avait tracée en fut lui-même ému et surpris. Sa surprise ne fut point mêlée toutefois du remords secret dont sont pénétrés, à ce qu’ils nomment leur réveil, ces hommes qui accusent leur esprit d’avoir dormi quand ils ont laissé s’accomplir quelque acte généreux de leur cœur. Il accepta, sous la forme imprévue où elle s’était offerte à lui, une pensée dont il comprenait et respectait la source. — Or la source de la pensée qui arracha au vainqueur de Marengo cet étrange cri de pitié et de tristesse, la bataille de Solférino, ajoute Paul de Molènes la faisait de nouveau jaillir. »