Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec ses trains chargés de soldats mutilés, et l’arrivée aux gares, encombrées d’une population morne et silencieuse éclairée par les pâles lueurs des torches de résine, et avec cette foule compacte qui, toute palpitante à la fois d’émotion et de sympathie, semble vouloir suspendre sa respiration pour écouter les gémissements ou les plaintes étouffées qui arrivent jusqu’à elle depuis les sinistres convois.

Sur le chemin de fer de Milan à Venise, les Autrichiens, en se retirant peu à peu, dans le courant du mois de juin, jusqu’au lac de Garda, avaient coupé, sur plusieurs points, la partie de la voie ferrée qui s’étend de Milan à Brescia et à Peschiera ; mais cette ligne avait été promptement réparée et rouverte à la circulation[1] pour faciliter le transport du matériel, des munitions, des vivres expédiés à l’armée alliée, et pour permettre l’évacuation des hôpitaux de Brescia.

À chaque station, des baraques longues et étroites avaient été construites pour la réception des blessés, qui, à leur sortie des wagons, étaient déposés sur des lits, ou sur de simples matelas alignés les uns à la suite des autres ; sous ces hangars sont dressées des tables surchargées de pain, de bouillon, de vin et surtout d’eau, ainsi que de charpie et de bandelettes dont le besoin ne cesse pas de se faire continuellement sentir. Une multi-

  1. Ce résultat a été dû particulièrement à l’activité et à l’énergie de M. Charles Brot, banquier à Milan, seul membre du Conseil d’administration des chemins de fer lombards-vénitiens qui fût resté dans cette ville.