Page:Dunant - Un souvenir de Solférino, 1862.djvu/97

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tude de flambeaux, tenus par les jeunes gens de la localité où le convoi est arrêté, dissipent les ténèbres, et les citadins lombards, infirmiers improvisés, se hâtent d’apporter leur tribut d’égards et de gratitude aux vainqueurs de Solférino : sans faire de bruit et dans un religieux silence ils pansent les blessés, ou les portent hors des wagons avec des précautions toutes paternelles, et les étendent soigneusement sur les couches qu’ils leur ont préparées ; les dames du pays leur offrent des boissons rafraîchissantes ou des comestibles de toute espèce, qu’elles distribuent dans les wagons à ceux qui, en bonne voie de convalescence, doivent poursuivre leur route ou aller jusqu’à Milan.

Dans cette ville où il arrive à la gare de Brescia un millier de blessés par nuit[1], pendant plusieurs nuits de suite, les martyrs de Solférino sont reçus comme l’avaient été ceux de Magenta et de Marignan, c’est-à-dire avec un empressement et une affection dont la persévérance ne se lasse point.

Ce ne sont plus maintenant des feuilles de roses que répandent, depuis les balcons pavoisés des somptueux palais de l’aristocratie milanaise, sur des épaulettes étincelantes et sur des croix moirées d’or et d’émail, ces gracieuses et belles jeunes patriciennes, rendues plus belles

  1. Vers le milieu de juin 1859, et par conséquent avant Solférino, les hôpitaux de Milan renfermaient déjà environ neuf mille blessés, résultant des engagements précédents : l’hôpital Majeur ou grand hospice civil (fondé dans le XVe siècle par Blanche Visconti, femme du duc Sforza) en contenait à lui seul près de trois mille.