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POLISSARD.

Ce n’est pas mon seing… Polissard est un nom que j’ai emprunté, vu que ça ne coûtait rien.

GROS-MINET.

Oh ! connu, connu !…

POLISSARD.

Mettez-vous à ma place… j’avais reçu de mes auteurs, un nom impossible.

GROS-MINET.

C’est une craque !…

POLISSARD.

Une craque ?… eh bien, lisez plutôt mon passeport.

GROS-MINET.

Je veux bien, montrez ; mais je ne vous lâche pas… (Il le tient par un bras.) Que vois-je ?… vous vous nommez Polydore Anaxis Polisson ?…

POLISSARD.

Oui, Polisson… Allez donc solliciter une place, avec un nom pareil… On vous répondra : Je ne veux pas de vous, vous êtes un Polisson… et, pour le mariage, quelle serait la beauté qui consentirait à dire : Je suis la femme d’un… Mes enfants seraient donc tous des petits… et dans l’âge mûr, on dirait donc que je ne suis qu’un vieux… voilà pourquoi j’ai adopté la variante.

GROS-MINET.

Mais, attendez donc… plus je vous regarde, vous que je n’ai jamais vu… vous êtes mon neveu…

POLISSARD.

Ah ! bah !…

GROS-MINET.

Et moi, votre oncle, par la même raison. Je m’appelle Gros-Minet ; mais, sous ce nom de Gros-Minet, je cache aussi un Polisson ; je suis un Polisson par ma femme Crinoline.

POLISSARD.

Quoi ?… vous seriez cet oncle si tendre, qui m’a abandonné dès mon enfance ?…

GROS-MINET.

Entendons-nous !… Je t’ai abandonné quand tu n’avais rien, vu que j’avais déjà ta cousine sur les bras… mais maintenant que je sais que tu hérites, je te cherche partout, pour te la faire épouser.

POLISSARD.

Comme ça se trouve, moi qui l’ai enlevée !…

GROS-MINET.

Comment, tu as enlevé ta cousine ?… Poliss… sard !…

POLISSARD.

Calmez-vous ; elle n’est pas perdue… elle m’attend, là-bas, sous l’orme.

GROS-MINET.

Alors, tu l’épouses sans dot ?…

POLISSARD.

Puisque j’hérite.

GROS-MINET.

Qu’on dise encore que les martins-pêcheurs sont de la famille des oies !… Grâce à ce délassement inoffensif, j’ai pêché un neveu, toi une jolie femme.

POLISSARD.

Donc, toutes mes espérances ne sont pas détruites…

GROS-MINET.

Mais notre pèche n’est pas terminée !… (Ils vont prendre leur ligne.) Il s’agit maintenant, pour tous deux, de triompher sur toute la ligne.

GROS-MINET.
––––––Si nous avons fait sourire,
––––––Sans calembour, même en pêchant.
POLISSARD.
––––––Ici, messieurs, n’allez pas dire,
––––––Comme la reine de l’étang.
GROS-MINET.
––––––Aie ! aie ! aie ! aie la dent !
–––––––––La gueuse de dent !
–––––––––La coquine de dent !
––––––Aie ! aie ! aie ! aie la dent !
–––––––––La gueuse de dent !
–––––––––La coquine de dent !
POLISSARD.
––––––Donnez-nous, ce baume charmant,
––––––––––Charmant, charmant,
––––––C’est un bon, bon onguent,
–––––––––C’est un bon onguent
––––––Pour notre mal de dent !


FIN


Paris. Typ. Morris et comp., rue Amelot, 64.