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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 4, 1866.djvu/44

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MONSIEUR

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JACQUES,


mot d'or- js demander


guchard a reçu, de son ami Fouquier-Tinvill dre pour exécuter ici des empoisonnades. Je à être transféré à l'Evêché.

Le jour même de celle conversation avec Veyrier, nous fümes, lui et moï, grâce à douze livres que je donnai à un infnier, compris dans le premier convoi de malades que Ton dirigea sur l'Evéché,

Hélas! l'homme propose et la fatalité dispose! La pre- mitre personne que nous aperçimes, en arrivant à nolre nouvelle destination, fut le médecin Nuury. Nous élions Loin- bés de Charybde en Scylla !

Je passerai sous silonce les épouvantables er je fus témoin pendant Les huit premiers jours qui sui mon entrée dans celle sucoursale de l'Hospic: l. A quoi bon, en effet, rapporter taules ces atracités révollantes Le lecteur qui a bien voulu prendre la peine de lire jusqu'ici mes mémoires, et qui, par conséquent, connait les hommes de L'an 11 de la République, se fera, sinon aisément et com- plètement, du moins approximativement, une idée de ce qui se passait à l'Evêché; éar, pour atteindre jusqu'à la vérité absolue et deviner La façon dont nos assassins en agi al avec nous, cela lui serait impossible. Il y a de ces rafing= menis de erunuté, de ces ivresses du crime, qu'une inagl= nation honnête est incapable de concs !

A l'Hospice-National, j'avais dù la vie à Bayard ; à l'Evêr ché, ce fut mon nouvel ami el compaguon d'iufurtune Veyrier qui me sauva.

Veyrier, dont la santé élail considé: s'était offert et avait élé aceepié comme garde-malade, Ce fut lui qui me soigna pendent une terrible rechute que je fis, lui qui composa mes boissons, éloigua le poison de mes lèvres et me protégea durant mon délire,

Quelle époque ! J'étais trainé de cachots en cachots pour avoir défendu contre les attentats d’un misérable la pudeur d’une jeune fille, et il me fallut rencontrer trois hommes dévoués sur mon chemin, pour ne pas payer de ma vie d'a voir fait mon devoir,

Ma rechute avait duré près de quinze jour: peine une semaine que j'étais entré, quoique bien faible en- core, eu convalescence, lorsqu'un après-midi l'an vint enfin me Chercher pour me conduire devant le juge, é

J'étais tellement malheureux, mou esprit avait reçu de si rudes chocs, qu'en entendant appeler mon nom je ne res- sentis auçune émotion, IL me tardait d’en finir, soit avec la captivité, soit avec l'existence ; (oules mes pensées, Los mes désirs élaient concentrés dans deux espérances : la liberté ou l'échafaud, :

J'embrassai Veyrier, et, après lui avoir promis de lui faire parvenir, si cela m'était possible, de mes nouvelles, je suivis Ja troupe révolutionnaire chargée de m'escorter. Ce fut au Paluis-de-Justice que l'on me conduisit,

Après une heure d'attente, je fus enfin introduit dans le cabinet du juge, qui, assis devant une table encombrée de

apiers, et une bouieille d'eau-de-vie à moitié vide devant ui, commença tout aussitôt, et sans même prendre là peine de me regarder, son interrogaloire.

— Tu es accusé, me dit-il, d'avoir fourni à lon fils el à ton petit-fils l'argent qui leur avait servi à émigrer ; d'avoir ensuile entretenu des. correspondances anti-révolulionnaires avec eux; puis enfin, de l'être offert aux royalistes de l'é- tranger pour espiouner la République, Les preuves irrécu= sables de ton crime sont entre mes mains, Il est inulile que lu essayes de le nier,

Le juge, après avoir dit ces mois, tout en continuant de

reourir des yeux les dossiers qu'il était entrain de dépauil- er, but une gorgée d'eau-de-vie, et s'adressant, par un signe de tête, à un homme assis à une pélile table placée près de son bureau : a

— Grellier, dit-il, écris que l'accusé avoue son crime et se recommande à l'indulgence du tribu

2 Mais je n'avoue rien du loul, m'écriai-je en arrètant par le bras le greflier qui, semblable par son mpassibilité à uue machine, se disposait à obéir à l'impulsion qu'on venait de lui donner,


blement améliorée,


evil y avait à


— Al! tu te rétraétes a présent, reprit le juge ; trop lard, Greffer, consigue les aveux de NE c'es dire, mets le mot : « Qui n en regard des questions que je lui ai posées et que je l'ai dictées d'avan

— Permettez, m'écriai-je, je ne me rétracte pas ; au con lraire, je demande à faire de nouveaux aveux,

— Alors, c'est différent, parle, Il peut se faire que, si tu nous livres de dangereux coupables, lé {ribunal te tienne compte de ton repentir el rende en ta faveur un verdict d'acquitlement,

— J'ai à avouer, repris-je d'abord, que je ne suis pas marié el que je n'ai jamais eu d'enfants; ensuite, qu'âgé à peine de vingi-six aùs, il me serait assez difficile d'être d grand-père, et, par conséquent, d'avoir aidé mon petit-fils à émigrer, enfin...

— Comment! Lu as vingt-six ans? s'écria le juge en me regardant pour la première fois depuis que j'étais entré dans son cabinet, mais lou acte d'accusa(ion en porte soixante- dix! Le fait est, continua-1-il après qu'il eut levé les yeux sur moi, qu tu ne portes réellement pas Lon âge? C'est bien toi cependant qui Le nommes Mareil ?

— Nullement, citoyen juge, :

Que le diable confonde alors les imbéciles qui l'ont gonduit ici! N'importe, puisque Le Voilà, lu vas me mettre au courant du motif de ton arrestation, Ce sera Loujours au= tant de fait! Je verrai à l'envoyer ensuite au tribunal.

Le danger élit imminent : une hésitation, et j'étais perdu. Je pris mou parti à l'instant,

— Je suis, citoyen juge, rapani -je, officler du corps d'armée qui opère en cé moment en Piémont,

Jé revenais passer quelque temps dans ma famille pour me remettre de mes faligues et rélablir ane santé détériorée pr les privalions et les combats que j'ai eu à supporter et

livrer, lorsque j'ai été dénoncé par un gredin jaloux de mon bonheur.

— Comment cela, jaloux de ton bonheur?

— Qui, j'étais l'amant d'une délicieuse créature, s'il an fut jamais! Mais je n'ose entrer dans les détails un peu longs de celle passion : je craindrais d’offenser La rigidité, C'est tout de même là une drôle d'histoire,

— Mou devoir est de tout entendre, me répondit: sans crainte, et n'omels surtout aucun détai

Le juge avala alors quelques nouvelles gorgées d'eau: vie, el, se renversant dans son fauteuil et croisant ses mains a poitrine, il me fl signe de par

Je dois avouer au lecteur, — car j'ai promis, au début de ces mémoires, de ne jamais reculer devant Ja vérité, dùt-elle tuême ne pas être à mon avantage, — je dois avouer donc. qu'en ce moment l'instinct de Ra "consery lion l'emportant en moi sur ma dignité, j'eus recours à nne ruse peu noble el qui manquait de courage, Je me mis à raconter au juge une histoire horriblement scandaleuse que j'avais entendu rapporter à mon ex-compagnon de caglivilé, l'illustre Pam- pie. J'eus soin loutefois de modifier certains incidents de mon récit qui n’eussen( pas élé d'accord avec ma position d'officier, et d'inventer certains détails peu édifiants.

Voulaut juger de l'intérêt que prenait le juge à ma narra ton, je m'arrèlai deux qu lrois fois en m'excusant de ma prolixité ; mais, chaque fois, il w'ordonna d'une voix impé- rieuse de continuer el de momellre aucune particularité.

De lemps en temps, je jelai sur mon auditeur un regard furüf; à l'animation de ses traits, au brillant de ses yeux, je compris que j'avais alleïnt mon but, c'est-à-dire que j'élais parvenu à l'inléresser.

Cet homme, qui füt resté insensible à l'expression la plus évidente de la vérité, aux supplications d’une épouse, aux larmes d'une mère, se laissa prendre au plaisir que lui causa mon récit, A plusieurs reprises il ne put relenir un grossier éclat de rire, qu'il accompagua de singuliers, couimen- laires.

— Vraiment, citoyen, me dit-il lorsque j'eu$ cessé de par-


, parle


ler, tu me parais un bon vivant, un excellent patriote, et j’es- père que ta caplivité nesera plus de loigue durée, As-lu des amis qui s'intéressent à ta mise en liberlé ?