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Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 5, 1866.djvu/8

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UCILE,

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spectacle, aussi récréatif que nouveau, aura encore l'avan- lugé de présenter uu grave enscignement philosophique ! Ma imolion ést-elle adopté :

Des cris unanimes d'admiration ét d'enthousiasme accueil rent du proposition de l'officier municipal, qui, fort de celle sanction pop, Save SHÔL vers nous et prit au collet celui des ecclésiasti Lrouva sous ce prêtre etait Tübert, vicaire apostolique du diocèse de Moulins.

Notre frère, sans opposer la moindre résistance, suivit l'officier municipal et wravit d'un pas fernie et plein dé di- gui les degrés de l'échafaud.

  • Paveñu sur la fa


forine, il regarda avec une telle majesté le bourreau, vançait en ricanant à sa rencontre, que l'exécuteur des hautes-œuvres se Lroubla et le luissa passer sas rien dire,

— Mou frère, s'é alors M, Imbert d'une voix qui re- tentil grave et sonore au milieu du silence, — mon frère, la bénédiction d'un martyr porte toujours bouheur : vous, qui êles martyr de votre foi el qui allez inourir pour Dieu , bé- ssez-moi !

M. le vicaire apostoh


que de Moilins s'agenouilla alors de vant le patient, qui, éténdant ses maiis vers lui, et, faucis qu'un céleste sourire illuminait son visage, lui dit d'une voix doucement émue : — « frère, je te béuis. n M. Imbert se releva alors, et embrässa le condamné.

Toute celle scène s'était pissée en deux fois moins de temps que jé n'en mets à vous la raconter, mais chose élrauge el qui ne peut s'expliquer que Re le prestige qu'ins pir, méme aux natures les plus rébelles a biei, la prati-

ue de la veriu, pas un cri, pas une insulte ne partit de la foule pendant que notre collégué Imbert, agénouillé devant le condamré, reçut sa bénédiction.

Le bourreau lui-même, côtmine s'il-eût été frappé de stu- peur, resta immobile sans oser interroinpré ces 1ouchants adi e ne fut qu'en voyant l'ex-vicaire apostolique de Aoulins embrasser le patient, qu'il revint à lui, Il se précie

ita-alors sur M. fbert, et le saisissant à bras le corps, il

le jeta rudemeut par terre, aule plus tard, le trlañgie de fer s’abattait avec un bruil sinistre : nous comptiüus ue frère dé moins.

Le bourtzau pr os d'unié main par les cheveux la +ète qu'il venisl d'abattre, de l'autre lui appliqua un soutflet eu s'écriaul :

— Gitoyèns, les scélérats que Vons voyez ici méritent d'é- 4re Lrailés comme, celui que je viens d'éxécuter, par lequel voulez-vous que jé coniménce ?

— Par celui que Lu Youdras ! répondit la mullilude que la vüé du sang eniirait.

Ce fu alors, perdant un quart d'heure, des hurlérents dé auvages, des cris de h£tes léroces, des claineurs sans nom, is nous attendions à étre massacrés, et cependant, je dois én ent peu parmi nous dont les vi= sages pälirent, A peine sur les quatre-vingis que nous étions, ÿ eu éut-il cinq'ô sis q ent leur tribut à la nature, et se montrèrent au-dessous de leur: position; je dois ausst ajouter que ceux-là, plus tard, reconnurent d'eux-mêmes et déplorèrent leur faiblesse.

Ent, la foule fauguée de sa vainé éolère finit par se las- ser : do nous conduisit alors à la prison de la ville, où nous reslâmes jusqu'au lendemain.

Dé Limoges à Iochéfort nous ebines à subir les mêmes traitements barbares qui nous avaient été prodigués depuis otre départ; mais auetin incident, — je parle au point de vue du pittaresque, — digne d'être remarqué n'eut liéu.

Tous les soirs, enfermés pélé-mèle avec les voleurs et les assassins habitant les prisons des villes pat où nous pas- sions, notre plus grande souffrance était d'entendre les hi- deux propos de ces gens dépravés qui séinblaièut trouv extrême plaisir à faire parade devant nous de leurs détesta- bles maximes. J'ai vu-puarlant fiaifois de cés bandits désar- més par notre résigriatiôn et par nolre patience, revenir à de meilleurs sentiments et S'excisér auprès dé nous dès propos qu'ils avaient lEnus,


Quoique la déportation qui nous attendait en Afrique, dé- ue ation dénuée dé toutes précautions, et qui devüit noué aissgr exposés à lous les maux et à lous les dangers imagi- sables, équivalût À peu près à un arrêt de mort, combien v'eût-elle pas été encore préférable pour nous à la position dans laquelle nous allions nous trouver.

Le troisième jour de notre arrivée à Rochefort , vers les onze heures et demie du matin ou midi (c'était en carême, et nous n'avions point encore interrompu: notre jeûne), on nous avertit tout à coup qu'il fallait pardr sur-le-chomp ; alors, sans dons accorder une minute pour meltre en ordre le peu d'efets qué nous étions parvenus à emporter avec nous, on nous fit soir les uns à la file des autres, nos pa- quels el porte-manteaux sur le dos.

Après nous avoir ranzés sur deux lignes, la garde natio= nale nous conduisit précipitamment à travers une grande partie de la ville, et an milieu des huées accoutumées , jus- qu'à l'estrémilé du port, Le trajet était long et pénible. Nous étions , je vous le répète, à jeun; nous avions perdu, depuis que l'on nous trausportait en voiture, l'habitude de marcher; à la plupart dé nous se trouvèrent bientôt bois d'halcine! Que faire pourtant ? Si nous ralentission: , ur pointe acérée en baïonnelle déchirait notre chair! La plupart d’entre nous durent jeter leurs effets, dont le poids les entravait !.…

Enfin cependant nous arrivâmes, haletants et harr: l'extrémité du port. J'ignore par quel motifon avait si fort haté otre marche, car nous dûmes aliendre pendant plus de deux grandes heures les chaloupes qui vinrent nous chercher.

Nous fûmes conduits d'abord sur un brick qui mit aussitôt à la voile et nous trausporda sur le vaisseau les Deux-Asso- ciés.

Non loin de nous, nous apercevions le vaisseau le Was- hington, qui servait aussi dé prison à d’autres prêtres non ässerimeutés.

Je vous avouerai, messieurs, qu'arrivé en cet endroit de mon zcil, j'éprouve là crainte que le souvenir des nrsux que je cndurés n'évéille en mon esprit de coupables idées le colcre el de vengeance.

Je vous demanderai


ï donc la permission de glisser le plus: possible sur les détails de ma caplivité, et dé ne vous rap- porter que les événements principaux qui la signalèrent.

Dès notre arrivée à bord du vaissean les Deux-Assoriés, nous pûmes deviner el prévoir facilement, à la façon plus que malveillanté dont nous accueillit l'équipage, les tour- ménts qui nous étaient réservés.

Notre présence fut saluée par l8 chant de la Marseillaise, et peu de nous furent sais ‘avoir à souffrir de la brutalité des matelols. :

J'avais toujours entendi vanter l'urbanité des officiers de Ja marine française; jugez donc combien mon étonnement et mon désappointement furent extrêmes, lorsque je vis que l'état-major des Deux-Assûciés était compusé de gens auprès desquels les guichétiers dés prisons ressenblaient, par lear anabilité et leur savoir-vivre relalifs, à dés marquis de Pan- cien régime. Toutefois, mon étonnement cessa bientôt lors- que j'appris que tous ces officiers étaient encore, il ÿ a un inois à peine, de simples matelots, et devaient leurs épau- leltes à la révolution,

Pour nous séparer des gens de l'équipage, on nous avait fait avec des planches uné cloison sur le pont. Aux deux extrémités de cette cloison se trouvaient deux portes basses et étroites, puis enfin, à chacune de ces portrs, en dedans de la partie du pont destinée aux ecclésiastiques, se tenait toujours en factiot, un soldat armé d'un fusit garni de sa baïonnette, d'un sabre et d'une double pairé de pistolets.

Dans la longusur de la cloison on avait pratiqué six ou- verlures par où passaient autant de bouches de canon; au- près de ces canons, toujours chargés à ! Ie et pointés sur l'emplacement que nous occupions, se lénaient cons- tamment des artilleurs, là nièche au poing.

Dieu sait pourtant combien peu nous sougigns à nous ré- voller!

JA y avait à pelue huit jours que j'étais installé à bord des