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DE LA POLITESSE.

… La politesse ne s’acquiert que dans le monde : on la peut trouver à la guerre, parmi les chasseurs, à la campagne, à la solitude la plus retirée ; mais on ne l’y acquiert pas ; il faut l’avoir acquise à la cour, et tout ce qu’on peut faire est de la conserver quand on n’y est plus ; et la même raison qui fait qu’il y a de la politesse à excuser ceux qui en manquent, seulement parce qu’ils n’ont jamais été aux lieux où on la peut apprendre, fait que c’est manquer de politesse que de railler des étrangers, et il y a une petite conversation sur ce sujet qui vous fera voir, quand nous la lirons ensemble, que la politesse ne permet pas que l’on blâme un étranger de ce qu’il ignore. « J’ai toujours été de ce sentiment- là, dit Clarinte ; mais je crois encore une autre chose à observer pour l’exacte politesse : c’est de n’aller pas parler étourdiment des païs en présence de ceux qui en sont ; car comme il n’y a point de personne si parfaite à qui on ne trouve quelque chose à désirer, il n’y a point aussi de païs qui n’ait quelque défaut. — En effet, dit Théanor, en un lieu le climat est doux et les peuples sont légers et inconstants ; en un autre, les peuples ont beau coup d’esprit et sont accusés de peu de fidélité ; en un païs on trouve bien souvent les sciences et les vices ; en un autre l’innocence et la rusticité ; en un endroit, on ne voit que des palais ; si bien que, comme il faudrait cent beautés pour faire une beauté parfaite, il faudrait aussi cent païs pour en faire un accompli. Il faudrait prendre la douceur du climat de l’un, les fleuves et les mers de l’autre ; les fleurs et les fruits en un lieu, choisir