Page:Durand de Mende - Rational, vol 2, traduction Barthelemy, 1854.djvu/283

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« Buvez-en tous. » D’un autre côté, il n’est pas prouvé que Judas fût présent ; car, selon saint Mathieu, Jésus dit aussitôt à ses apôtres, en buvant le calice : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’à ce jour où je le boirai de nouveau avec vous dans le royaume de mon Père, » Or, Judas n’était pas présent, car il ne devait pas boire avec Jésus dans son royaume. En ce cas, peut-être faut-il s’en tenir à ce que saint Jean insinue, que lorsque Judas eut reçu sa bouchée de pain il sortit sur-le-champ, car il était nuit. Or, le Christ ne donna l’eucharistie qu’après les autres mets ; témoin saint Luc, qui dit : Similiter et calicem postquam cœnavit ; « Il prit pareillement le calice après qu’il eut soupé. » Il est donc évident que Judas sortit avant que le Christ donnât l’eucharistie. Ce que saint Luc dit en ces termes : « post calicis traditionem, » peut s’entendre comme récapitulation, parce que souvent, dans l’Écriture sainte, ce qui a été fait antérieurement est raconté après, comme dans saint Mathieu, qui, deux jours avant la Pâque, parle du vase d’albâtre rempli du parfum que, selon saint Jean, une femme répandit, six jours avant la Pâque, dans la maison de Simon le lépreux.

XXXVII. Mais, en accordant que Judas ait reçu l’eucharistie, ce que la plupart accordent, d’où vient que le médecin qui sauve donna au malade une médecine qu’il savait devoir lui être mortelle, car celui qui mange indignement mange sa propre condamnation ? Je réponds : Peut-être était-ce pour enseigner, par son exemple, que le prêtre ne doit pas refuser la communion à celui dont le crime, bien que lui étant connu, n’est cependant pas manifeste pour l’Église, de peur que peut-être il le fasse connaître sans le corriger. C’est pourquoi on lit au canon (De consec., d. ii, Non prohibeat) : « Que le dispensateur, c’est-à-dire le prêtre, n’éloigne pas ceux qui se sont engraissés sur la terre, c’est-à-dire les pécheurs, de la table du Seigneur ou de la réception du corps et du sang du Christ, mais qu’il avertisse le transgresseur de craindre, » Mais, comme