Page:Durant - Études et souvenirs.djvu/12

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échelonnés en amphithéâtre et le mendiant romain, presque nu comme le lazzarone napolitain, et le paysan de la Cervara avec son costume si pittoresque, et les femmes de Tivoli avec leurs robes bariolées, et l’habitant de la Solfatara dont le teint hâve et les membres amaigris accusent l’influence pernicieuse du lac empoisonné, et le robuste gardien de buffles des Marais-Pontins à la large poitrine, aux formes athlétiques, et le Fra-Diavolo des Abruzzes dont le poignard, en forme de croix, brille sous la veste de velours, et les jeunes filles d’Albano si gracieuses, si fraîches, si jolies, et toute cette population enfin si différente de costumes, de mœurs et de langage.

Il est dix heures, les portes de la basilique s’ouvrent toutes grandes, et du fond de la place, comme de l’intérieur de l’enceinte, on peut assister à la messe pontificale et voir officier le vicaire du Christ ; après avoir, selon l’usage antique et solennel reçu de tous les cardinaux et de tous les hauts dignitaires présents à la cérémonie l’hommage qui lui est dû comme au représentant de Dieu sur la terre, dans ce même temple bâti sur les ruines du Cirque de Néron, à cette même place abreuvée si souvent du sang des martyrs, sur cet autel qui renferme la dépouille mortelle du prince des apôtres, le souverain pontife célèbre le sacrifice divin. La messe est terminée alors, sur de riches coussins on présente au Saint Père les vases sacrés dont lui seul a le droit de se servir : l’église, déployant ce jour-là toutes ses magnificences, fait passer successivement devant lui et les joyaux si précieux dont la piété des fidèles lui a fait hommage, et les riches bijoux dont les rois et ses papes l’ont dotée, et la triple couronne, symbole de sa puissance. Précédé de ces nobles insignes, le ministre de Dieu, élevé sur un trône porté par les Pénitenciers de Rome, fait processionnellement le tour de l’immense métropole, et le cortége, sortant ensuite par la porte principale, tourne sur sa gauche et monte lentement les gradins de marbre du Vatican au milieu d’une triple haie de moines, de soldats et de curieux. C’est alors et pendant que la religieuse procession poursuit sa marche cachée dans les longs