Aller au contenu

Page:Durant - Études et souvenirs.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

corridors et du palais et du temple, que la foule attentive fixe ses regards avides sur le grand balcon où le pape va bientôt se montrer dans toute sa gloire apostolique ; il y a là un moment d’indéfinissable émotion !… Tout à coup mille cris, mille viva se font entendre : le souverain pontife a paru et nous allons assister à la bénédiction qu’il va donner Urbi et Orbi, à sa ville et au monde.

Cette solennité religieuse a un caractère d’imposante grandeur dont je ne m’étais pas fait une idée complète avant d’en avoir été moi-même le témoin, et, telle est l’impression qu’elle produit sur les esprits, même les plus prévenus, que parmi ces cent mille spectateurs il n’y a plus en ce moment d’incrédules devant Saint-Pierre : sectaires ou catholiques, esprits forts ou croyants, tous irrésistiblement entraînés s’abaissent et tombent à genoux sous la main du pontife qui bénit. Sur la façade de l’antique cathédrale, à une hauteur prodigieuse, s’élève, comme suspendu dans les airs, un trône de velours rouge magnifiquement décoré ; le pape, dans ses plus riches habits pontificaux, la tiare sur la tête, entouré de tous ses cardinaux, soixante vieillards à cheveux blancs, appelle la bénédiction du Ciel sur cette foule immense répandue en flots pressés, et dans le vaste cirque que l’architecture théâtrale du Bernin enveloppe de ses majestueuses colonnades, et dans les recoins les plus éloignés du trapèze des Rusticcuci ; toutes les rues aboutissant à ces deux places, encombrées comme elles d’équipages, de troupes, d’étrangers et de peuple ; du monde partout, à toutes les fenêtres, sur tous les toits, et cette multitude naguère si bruyante et si tumultueuse, maintenant silencieuse et recueillie, priant avec le pontife au milieu d’elle, entre les deux magnifiques fontaines de Maderne, qui font jaillir en gerbes étincelantes leurs jets d’eau éternels, l’obélisque d’Alexandrie se dressant de toute sa hauteur comme pour montrer plus loin le signe de la rédemption qui brille à son sommet ; sur ce grandiose tableau, les cloches des trois cents églises de Rome sonnant à toute volée, le bourdon de Saint-Pierre les dominant toutes de ses lents et majestueux tintements ; en face, les canons du fort Saint-Ange, mêlant à