Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/104

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se battre avec le paysan, à le tuer. Cardonchas lui-même, malgré son apparence inoffensive, l’excitait et le poussait à des pensées de bataille.

Décidément, à ses yeux, Lévise n’était plus libre ; son frère et les autres la retenaient ou la circonvenaient. Comment expliquer l’absence persistante de la jeune fille ?

Peut-être aussi ces histoires sur Cardonchas et le beau Guillaume n’existaient-elles que dans l’imagination des gens de Mangues !

Quoi qu’il fît, il ne pouvait acquérir de certitude sur aucun point. Il était humilié de ressentir de la jalousie, tracassé, effrayé par le soupçon qu’on ne contraignît Lévise à épouser un des deux hommes. Il se disait qu’il n’avait point droit de demander compte à Lévise de ce qu’elle avait pu faire dans le passé. Seulement, il se persuadait que personne n’aimerait la jeune fille aussi bien que lui, et que, dans l’intérêt de Lévise, il devait la soustraire à un entourage grossier et rude où elle ne trouverait qu’un avenir âpre et pénible.

Il ne pouvait admettre que Lévise eût cherché à le jouer, à l’entortiller, ainsi que le prétendait Euronique. Et cependant, songeait-il, qui peut me répondre que ce beau Guillaume n’est pas, n’a pas été ou ne deviendra pas son amant !

Le désir, la nécessité de s’expliquer avec la jeune paysanne le pressait de plus en plus. Il était ou se croyait d’ailleurs résolu, à la moindre hésitation de la part de Lévise, à la laisser au camarade de son frère.

Louis se disait qu’il ne tenait à Lévise qu’autant qu’elle le préférerait sans conteste. Et si elle eût témoigné la moindre inclination pour un autre, qu’elle eût un peu balancé, il aurait cessé immédiatement d’aimer une fille