Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/119

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Par moments il se figurait la sensation d’âpre douceur qu’il aurait en contemplant de nouveau Lévise, en prenant sa main, en plongeant son regard dans le gris de ses yeux tendres, en cherchant sur son visage la trace de toutes les émotions qui avaient dû l’agiter depuis leur séparation, en lui faisant des reproches, en la contraignant à pleurer, en lui jetant le nom du beau Guillaume comme un aiguillon, en la faisant souffrir, puis aussitôt à essuyer, laver, guérir par une tendresse douce et embaumée la plaie qu’il aurait ouverte dans le cœur de la jeune fille, et à se voir enfin et se dire, avec un plaisir délicieusement, délicatement vaniteux, le maître de ses peines et de ses joies.

Louis voulait rencontrer Lévise et il fallait qu’il la rencontrât, sinon il fût tombé malade, il eût été frappé dangereusement. Tout en lui était tendu, raidi, entraîné vers cette rencontre. Si elle n’avait pas lieu, tous ses nerfs se briseraient.

Louis regarda partout, entra dans tous les sentiers, monta sur tout ce qui put lui permettre de voir de plus loin : murs, sables, pierres, arbres. Aussitôt qu’un point noir apparaissait, le cœur lui battait avec force. Il avait peur que ne se montrât une autre Lévise, froide, changée, détachée de lui. Dès qu’il inspectait un côté de l’horizon, il se retournait brusquement d’un autre, de peur que Lévise n’eût passé pendant la seconde où il veillait ailleurs.

Enfin, enfin ! Louis reconnut la forme à laquelle il ne pouvait se méprendre. Ses jambes fléchirent, il fut obligé de s’asseoir sur le bord d’un fossé. Il lui semblait qu’il allait laisser passer Lévise sans pouvoir lui parler, sans qu’elle le vît.

Quand elle approcha, elle lui communiqua une force