Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/120

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magnétique ; il l’aurait cru volontiers du moins ; il se leva et alla se mettre au milieu du chemin, en face d’elle, à vingt pas.

Elle ne s’attendait pas à sa présence et continua d’avancer sans le regarder ou le reconnaître. Les traits de Lévise étaient amaigris, ses paupières cernées, son teint pâli. Cette remarque fut une source de contentement exquis pour Louis, car la jeune fille avait souffert pour lui ! Et maintenant qu’il était sûr qu’elle ne lui échapperait pas, qu’elle lui appartenait de nouveau et revenait enfin vers les journées heureuses qu’il voulait lui donner, maintenant que la sécurité de son avenir et de sa paix dépendait de Louis et se trouvait assurée, c’était la colère qui, la première, demandait dans la poitrine du jeune homme à se satisfaire, la colère contre ce qu’il appelait la stupidité de Lévise. Il entendait par là cet instinct de fierté jalouse auquel elle avait cédé en s’enfuyant brusquement au risque de faire beaucoup de mal à elle et à lui, mal qu’ils avaient subi chacun de son côté.

Louis avança, lui aussi, vers la jeune fille. Alors elle le vit, tressaillit, devint pâle comme une morte et s’arrêta. Il courut à elle. Il crut qu’elle avait peur, à la manière dont elle le regardait, et, voyant qu’elle ne disait rien, il la prit par la main et la conduisit à l’écart de la route dans un petit taillis, qui pouvait les cacher.

Lévise paraissait atterrée. Louis pensa qu’elle devait se croire bien coupable et il ne songea plus aux reproches qu’il comptait lui faire. Il aurait eu peur de l’effrayer davantage. Cependant il y eut encore un peu d’amertume dans son premier mot.

— Eh bien ! lui dit-il, vous ne me reconnaissez plus, vous m’avez oublié ?

Levise protesta par un regard qui contenait tant de re-