Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Louis au ciel, tantôt le précipitaient durement à terre, et il changeait de sentiment à la moindre pression comme si son esprit fût attaché à une balance singulièrement mobile.

— Vous vouliez déjà me quitter cependant, dit-il à Lévise, à cause des gens qui peuvent nous voir ?

Il ne pouvait se défendre d’un retour de défiance. Peut-être aussi était-ce une légère taquinerie pour faire répéter à Lévise sa déclaration d’indépendance.

— Oh non ! répondit la jeune fille un peu songeuse, mais tout est difficile…

Il la vit ébranlée, incertaine : il avait tellement peur que le sort ne le trompât, qu’il ne voulait se fier qu’à des certitudes sans cesse renouvelées. Il cherchait à sonder ce qui se passait dans le cœur de Lévise en se guidant sur tout ce qui remuait le sien propre. Il la supposa alarmée par les dispositions de son frère, par celles des gens du pays, par la révolution qui survenait dans son existence, par l’avenir inconnu vers lequel elle se mettait en chemin. Comme il était sûr de la loyauté dont il était animé, il lui en voulut de ne pas paraître s’y abandonner entièrement. D’ailleurs il y avait plaisir à faire un reproche même non sincère à Lévise, car elle y répondait par des élans qui étaient la plus merveilleuse des flatteries pour lui.

— Je ne veux rien vous imposer de difficile, ajouta-t-il ; ce que vous trouvez peut-être difficile, c’est de m’aimer un peu. Vous y mettez peut-être, au fond, plus de vanité que de sincérité. Vous êtes bien aise qu’un monsieur coure après vous, mais vous ne demandez pas mieux que d’être recherchée par les grands garçons d’ici.

Louis jouait un jeu dangereux. Lévise fut navrée, elle le regarda d’un air épouvanté.