Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/146

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— Eh dam ! riposta la vieille qu’on eût crue furieuse, si vous êtes prêt, qui est-ce qui vous dit que je suis en retard ?

— Eh bien ! c’est ça, reprit Cardonchas, c’est entendu. Je vais chercher un piché et des verres, et nous boirons à la noce. Ah ! ah ! cette Euronique, elle est gaillarde ! Tenez, Euronique, voilà comme nous danserons à notre noce, vous ne pèserez pas plus qu’une quenouille.

Cardonchas prit Euronique à bras-le-corps et se mit à la faire sauter tout le long de la chambre en exécutant ses plus brillants entrechats. La vieille se tordait, criait, le battait et se trémoussait malgré elle en même temps :

— Laissez-moi, vieux mécréant, vieux payen, je n’en peux plus ! oh ! vieux âne, j’irai me plaindre au maire.

— C’est pour me faire mourir que je suis venue, dit Euronique que Cardonchas venait de laisser libre.

Toujours sautant, il était allé chercher à boire. Euronique gardait une figure composée qui révélait à Louis combien elle était pénétrée des galanteries de Cardonchas et de la gravité de la situation.

— Eh bien ! vous avais-je dit vrai ? lui demanda Louis.

— Oui, mais c’est une anguille, est-il vif ?

— Et à présent que vous êtes en bon chemin, Euronique, continua le jeune homme, il faut voir un peu du côté de l’argent et parler du notaire.

— Ah dam ! vous allez bien vite.

— Bah ! il y a peut-être dix ans que vous voulez vous marier tous deux, et que vous vous faites des coquetteries sans avancer. Je m’en suis mêlé à propos.

Cardonchas revint chargé de son piché et de ses verres dont il posa le plus beau devant Euronique, un gros verre à patte courte, sur lequel était gravé le portrait de Napoléon.