Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/171

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souffrirait, seule serait frappée par la vindicte villageoise !

Il pensa à quitter Mangues, mais où aller ? À la ville il eût trouvé une autre vindicte parmi les familles de la bourgeoisie. À Paris ? mais il n’avait pas assez d’argent et on ne lui en donnerait pas chez son père. Dans un autre village du département ? mais la situation deviendrait bientôt la même, et il y faudrait toujours trouver une issue.

Il songea un instant à aller trouver son père, à lui demander son consentement pour le mariage avec Lévise. Il se heurtait à un projet impossible. Il se vit acculé dans Mangues ; ses actions depuis un mois lui semblaient insensées, l’envie de s’enfuir surgit parmi le trouble, il l’étouffa avec colère croyant se prendre en flagrant délit de lâcheté. L’impossibilité de sortir de cette position se dressa comme une immense muraille devant lui. Alors l’excès même des difficultés le ranima, il se dit qu’il s’exagérait les choses, que les paysans le laisseraient tranquille ainsi que Lévise, s’il demeurait lui-même tranquille et ne faisait aucun bruit, qu’il avait peut-être eu tort de s’alarmer pour une chanson d’enfants de quinze ans, et que d’ailleurs cette chanson avait peut-être été faite avant son arrivée contre les braconnages de Volusien, qu’il serait toujours temps de revendre la maisonnette et d’emmener Lévise en quelque autre endroit. L’amour-propre s’en mêla, il ne pouvait céder à des paysans. Il s’était habitué à la petite maison, le cœur lui saignait en songeant à la quitter. Et enfin, puisque le frère, Volusien, ne s’opposait en rien à l’installation de Lévise chez Louis, personne ne pouvait avoir le trouver mauvais.

Le jeune homme aurait pourtant ardemment voulu que la chanson des paysans ne fût pas parvenue aux