Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/172

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oreilles de Lévise. Il s’attacha à se persuader, afin de n’être pas tourmenté, que cette chanson datait du passé. Il était heureux que Lévise ne montrât en rien qu’elle eût entendu le refrain, lorsque la jeune fille vint elle-même le rassurer bien mieux en disant : Il ne faut pas faire attention à cela. On a toujours fait des chansons contre mon frère et moi, je ne sais pas pourquoi. Ils sont méchants ici, mais puisque je suis avec toi, cela m’est égal !

Louis s’empressa de donner foi à cette explication qui le soulageait. Il respira, il était ainsi délivré des angoisses qui l’avaient menacé. On aime à se rassurer, à écarter la pensée du mal dès qu’on peut se leurrer, et se figurer, sans trop de fraude vis-à-vis de soi-même, que le mal n’est pas imminent. En effet il eût été cruel pour Louis, lui qui s’était flatté de rendre heureuse la pauvre Lévise, cruel qu’il lui eût attiré dès les premiers pas des souffrances et des insultes.

Malgré cela, il était un peu ébranlé, et le soupçon que la jeune fille n’eût eu un autre amant surnageait de temps en temps dans son esprit malgré ses efforts pour l’en chasser. Peut-être c’était là le motif pour lequel on chansonnait Lévise ! Mais le jeune homme avait besoin d’être heureux, et rien n’était capable de prévaloir sur son admiration et son enthousiasme pour Lévise. Il n’avait qu’à la regarder et toutes ces imaginations fâcheuses s’évanouissaient. Il fallait un nouveau et vif échec pour les rappeler.

La grande affaire du départ d’Euronique absorba bientôt uniquement les deux « amis ».

Cardonchas qui venait continuellement conférer avec la servante ne se montra point pendant deux jours. Les bans étant publiés, le mariage devait avoir lieu une se-