Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— Voyez, monsieur, voilà le joli petit chevreau !

Louis trouva que le mot monsieur avait un son singulier dans le gosier de la jeune fille : il eût dit que des pointes accrochaient les dents de Lévise et les faisaient grincer. Sa gêne augmenta, le dégoût de ces apparences maladroitement soutenues lui monta au cœur. Un sentiment poignant de ridicule et de honte lui imprima le besoin nerveux, maladif, violent, de rire. Ne sachant comment le dissimuler, il se baissa brusquement vers la tête du chevreau comme pour jouer et s’écria lâchant l’éclat de rire irrésistible : Qu’il est drôle ! qu’il est drôle !

La paysanne resta stupéfaite, Lévise rougit. Louis se maîtrisant, se releva, mais n’eut que la force de dire à Lévise : Eh bien ! achetez-le et ramenez-le. Sa voix avait perdu l’habitude de parler de la sorte, il avait failli s’écrier : Eh ! fais comme tu voudras ! Il ne comprenait pas comment il avait eu la puissance de s’en empêcher ! Et aussitôt il se sauva, n’ayant pas le courage de revenir avec Lévise.

Un quart-d’heure après, la jeune fille arriva traînant au bout d’une corde le chevreau qui se débattait et, arcbouté sur ses quatre pattes, résistait à la corde tant qu’il pouvait et n’avançait qu’en glissant de force.

Lévise était fort en colère, et elle attira violemment la petite bête à l’intérieur de la maison. Louis essaya de détourner le conflit par la gaîté.

— Ah ! ah ! dit-il en souriant, le petit chevreau n’est pas disposé à te faire la cour.

Immédiatement elle se fâcha.

— Tu as eu honte de moi ? demanda-t-elle, qu’est-ce qui t’a pris ? Tu es devenu fou ?

Louis ne pouvait s’expliquer franchement, ni par conséquent l’apaiser. Tandis qu’il cherchait comment s’en