Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/204

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sur la joue du paysan ! Canaille ! hurla Bagot. Volusien se jeta entre eux et les écarta violemment. Mais Guillaume le bouscula et le fit trébucher sur une table. Bagot de son côté se débarrassa de deux de ses amis qui voulurent le retenir. Et les deux adversaires se tombèrent dessus comme deux taureaux. En un clin d’œil, tout fut renversé avec un bruit épouvantable. Vingt exclamations s’élevèrent : La paix ! la paix ! séparez-les, Guillaume a raison, Bagot a tort, ils vont s’écharper ! Les deux combattants, ivres, fous, ne disaient rien, mais poussaient des cris étouffés, cris de fureur rauques ; leurs trépignements, les chocs qu’ils donnaient aux tables renversées, faisaient plus de tapage que le tumulte des voix.

— Mais je vous dis qu’on va vous arrêter tous ! hurlait toujours le cabaretier, tapi derrière son comptoir !

Les premiers moments de la lutte, l’espèce de tourbillon où roulèrent un instant Bagot, Guillaume, et avec eux les assistants, causèrent d’abord à ceux-ci la stupeur ordinaire. Tout le monde pensait à interrompre la bataille et personne ne bougeait. Au milieu du bouleversement, Bagot et Guillaume trébuchèrent et roulèrent ensemble à terre sans se lâcher, Volusien se précipita vers eux, saisit Bagot à bras-le-corps et s’efforça de l’enlever, tandis que trois des paysans tâchaient de se rendre maîtres de Guillaume. On ne parvint à leur faire lâcher prise qu’en les traînant à terre, chacun vers un coin opposé de la salle. Mais à peine relevés, brillants de sueur, haletants, les yeux hors de la tête, les joues ensanglantées, Bagot saisit un broc et, criant gare, le lança de toute la raideur de son énorme bras à la tête de Guillaume ! — Ah ! tu en veux encore, rugit le braconnier, qui évita le coup et revint se jeter à corps perdu sur le paysan. Le choc fut si rude qu’on entendit Bagot se heurter à la muraille, comme si