Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/217

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Louis essaya de réparer l’effet de son irritation.

— Je t’ai fait peur ! dit-il en souriant à Lévise.

Elle reflétait fidèlement, ne vivant que pour lui, tout ce qui se passait dans l’âme de son ami. Triste avec lui, gaie, effrayée, rassurée, elle suivait magnétiquement la mobilité des sensations de celui-ci. Elle oublia aussitôt la dure parole qui venait d’être dite ; le soleil qui reparaissait sur les traits du jeune homme reparut sur les siens.

— C’est moi qui t’ai fait peur ! répliqua-t-elle avec une joie d’enfant.

Louis nia, mais de façon à lui laisser intact le plaisir d’avoir réussi dans le tour qu’elle lui avait joué.

Un matin, tandis qu’il était dans la chambre d’en haut et que Lévise faisait ses petits manèges de gouvernante de la maison, une vendeuse de fruits, qui apportait tous les jours sa marchandise, dit à la jeune fille : La Cardonchas n’est pas contente d’être partie d’ici, à ce qu’il paraît, je viens vous prévenir, elle dit partout que vous êtes la bonne amie du monsieur !

Le mot rapporté par cette femme était plus vif.

Lévise devint pourpre, elle serra les dents ; ses yeux brillèrent.

— Ah ! s’écria-t-elle, la vieille coquine !

Et elle partit en courant, laissant l’autre interdite et inquiète d’en avoir tant dit.

Lévise courut d’un trait jusque chez Euronique, poussa d’un coup violent la porte entr’ouverte et tombant devant la vieille qui recula effrayée de la fureur de cette entrée, elle la souffleta de toute sa force. Le bruit du soufflet éclata sec et rude dans la chambre. Euronique poussa un cri. Lévise, trop excitée et hors d’haleine pour pouvoir parler, la souffleta une seconde fois d’un revers, ses yeux étaient terribles.