Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/23

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Louis fut enchanté de prendre Euronique en flagrant délit de médisance et de la voir se contredire. Cela rendait Lévise entièrement blanche, ainsi que quelque chose l’avait crié dans la poitrine du jeune homme.

— Enfin, Euronique, reprit Louis, cette femme aimait ses neveux, voilà ce que vous me prouvez.

— Eh pardine ! c’est là son tort, puisqu’elle est morte de s’être sacrifiée pour eux.

— Cependant, ajouta Louis, quel âge avait-elle ?

— Quel âge ? eh bien ! quoi ? soixante-dix ans ! reprit Euronique avec colère, car elle sentait qu’on la poussait dans ses retranchements, qu’est-ce que ça fait l’âge ? On ne m’ôtera pas de la tête qu’elle est morte en se sacrifiant.

Louis sourit de la mauvaise foi de sa servante, dont les premières paroles lui avaient été pénibles comme un présage fâcheux. Maintenant il savait la vérité, ou du moins il savait qu’Euronique ne disait pas vrai.

Le jeune homme réfléchit un moment à ce mot prononcé par Euronique et qui l’avait ému : on ne sait comment ils vivront !

Il entrevoyait la jeune fille ayant faim, ayant froid, vêtue de guenilles, pliée sous l’inquiétude et la misère, livrée à de durs travaux !

Une idée lui vint et rendit sa figure joyeuse.

— Cette fille sait coudre ? demanda-t-il à Euronique. Elle doit avoir besoin d’ouvrage, si la mort de sa tante la laisse sans ressources ! Il doit y avoir ici quelque raccommodage de linge à faire, on pourra le lui donner…

— Je le raccommoderai bien moi-même, interrompit Euronique.

Louis fit un mouvement d’impatience.

— Mais non, vous avez assez à faire, dit-il, bien qu’il sût que la servante n’était point surchargée de besogne.