Page:Duranty - La Cause du beau Guillaume.djvu/255

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— Ma pauvre, ma bonne, ma chère enfant, ne t’afflige pas, lui dit-il, tu seras dédommagée de ce que tu souffres. Crois-moi. Calme-toi. Ne crains plus rien. Tu as vu que je t’ai bien défendue. Nous n’en avons plus pour longtemps à rester comme nous sommes. Ne te tourmente plus. Nos ennuis seront bientôt essuyés. Voyons, promets-le moi, si tu me vois tranquille et gai, auras-tu confiance en moi, auras-tu la même tranquillité et la même gaîté ? Nous partirons dans trois ou quatre jours…

— Ah ! s’écria Lévise en le serrant de toute sa force, oui, partons, partons !

— Ce n’est point à cause d’eux, mais pour toi que je pars, dit Louis, et je voudrais le leur prouver.

— Non, non, reprit Lévise instamment, partons. Tu tomberais malade en restant ici. Si tu t’étais vu tout à l’heure !… là, dans le fauteuil !

— Ce n’était rien, répondit Louis, j’étais absorbé par toutes sortes de réflexions.

En effet il ne pouvait expliquer à Lévise le long débat intérieur qui l’avait rendu un moment inerte.

Juste au moment où, rentré en possession de son sang-froid, il s’était considéré lui-même, un pistolet dans la main, Lévise éplorée presque à genoux devant lui, et le braconnier désarmé et fuyant, au lieu d’avoir la joie d’un homme qui a remporté l’avantage, Louis avait éprouvé un sentiment d’impuissance et de découragement. Un mécontentement, un dégoût singulier contre lui-même le saisit. Les larmes, l’effroi, l’accès de désespoir de la jeune fille contribuèrent à le jeter dans cet état : il n’avait pu épargner à Lévise de cruelles souffrances. Elle ne comptait plus sur lui, il avait été lâche et sans virilité vis-à-vis de Volusien, sans virilité dans ses paroles, lâche en voulant lui tirer un coup de pistolet du haut de la fenêtre.